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Le Web des Cheminots

Comment Naît Une Vocation


Invité TRAM21

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Hello,

Un petit souvenir d'enfance, qui est un des éléments qui me mena à la traction...

Un dimanche matin de fin de printemps, presque l’été. Il fait chaud, très ! L’idée jaillit : « Si nous allions pique-niquer en forêt ? ». Aussitôt dit, aussitôt fait : les victuailles s’entassent dans les paniers. Destination : Saint Nom la Bretèche. Endroit hautement stratégique : même le dimanche, le trafic ferroviaire reste conséquent. Dans cette fin des années 60, la vapeur règne encore avec toute sa magie.

Première approche en bus jusqu’à la gare, le 175 fera ça très bien. Un festival d’odeurs commence dès la montée dans le bus : un mélange de gasole, d’huile chaude, de détergent et de transpiration forment un curieux cocktail !

La gare elle-même apporte son lot d’odeurs, amplifiées par la chaleur qui commence à se faire sentir.

Notre train arrive, une rame « standard ». D’autres odeurs, puissantes : l’odeur d’ozone provoquée par les arcs électriques du troisième rail, l’odeur d’huile chaude mélangée au cuivre chaud des moteurs électriques, l’odeur forte de la fonte surchauffée des sabots de frein maculés d’huile des engrenages, les effluves mélangés du skaï chaud et du détergent (eh oui, à cette époque pas si lointaine, l’entretien du matériel de banlieue était plutôt bien fait !).

Bécon les Bruyères : changement de train, mais pas de matériel : une autre « standard » nous emmène jusqu’à Saint Cloud, ultime correspondance pour Saint Nom la Bretèche.

Par les fenêtres ouvertes, les odeurs amplifiées par la chaleur envahissent nos cellules olfactives et notre mémoire, comme l’image se fixe sur une pellicule photographique vierge !

« Terminus, tout le monde descend ! ». La petite gare, presque perdue en pleine forêt, accueille une foule bigarrée qui descend du train. Chacun va retrouver « son » coin favori.

Nous avons trouvé le nôtre : en léger surplomb de la ligne de la grande ceinture, à l’ombre des grands chênes, offrant un point de vue imprenable sur les trains qui montent du triage d’Achères vers Versailles-Matelots.

A peine le temps de déballer les sandwichs, un halètement sourd et puissant se fait entendre : « Un train ! ».

Un monstre noir, crachant une colonne de fumée aussi noire que l’enfer, monte péniblement la rampe ; traînant derrière lui un convoi interminable.

Le mécanicien de la loco nous gratifie au passage d’un puissant coup de sifflet qui nous fait nous boucher les oreilles !

Et puis, de nouveau des odeurs, puissantes, inoubliables : charbon, huile chaude, vapeur.

Nous comptons les wagons : « trente huit, trente neuf, quarante, quarante et un ! Ouf ! Il était long celui-là ! Pas étonnant qu’il montait si doucement ! ».

Sous l’ombre protectrice des grands chênes, les odeurs plus naturelles se manifestent : humus, fleurs, pollens. Ah ! L’odeur de l’écorce chauffée par le soleil.

Un léger souffle de vent rabat vers notre observatoire d’autres odeurs montant des voies ferrées : les traverses en chêne, en plein soleil, transpirent tant qu’elles peuvent la créosote dont elles sont imbibées ; ceci ajouté au mâchefer tombé des cendriers des locos en plein effort.

Le train est passé ; nous reprenons notre tâche suspendue : mettre la table. En l’occurrence, ce sera une couverture dévolue à cette seule et unique tâche. Elle aussi a sa propre odeur : un mélange de poussière et d’encaustique très particulier. Je peux arriver à l’imaginer encore 35 ans plus tard ! A l’instant où j’écris ces lignes, mes narines palpitent à l’évocation de cette odeur si particulière !

« Au choix : sandwich au pâté végétal (mon préféré : celui aux champignons !) ou fromage ». La répartition se fait sans problème : les goûts de chacun sont bien connus !

Et le ballet commence : les trains se suivent à la queue-leuleu ! Parfois, deux trains se croisent juste devant nous : les fumées et vapeurs conjuguées se jettent sur nous, nous avons alors l’illusion d’être dans un nuage particulièrement odorant !

« Un diesel ! ». Le premier de l’après-midi ! (Il y en aura d’autres). « C’est une 65500 ! ». Presque plus bruyante qu’une vapeur ; elle aussi trimballe une ribambelle de wagon « trente huit ! ». Ces diesels étaient surnommées les « Dakota », sans doute en référence aux avions du même type, très bruyants eux aussi ! Bien plus tard, devenu cheminot, j’ai eu l’explication de leur surnom : « Si tu écoutes bien, au ralenti, ces engins font dakotadakotadakotadakotadakota… ».

Et vous ? Avez-vous aussi des cartes postales olfactives que vous pouvez vous repasser quand vous le voulez ?

Ca vous a plu ?

@ +

TRAM21 :buba:

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Hello,

Lorsque j'écrirai mes mémoires, ce chapitre en fera partie, je pense !

En fait, le virus ferroviaire m'a été inoculé très jeune, et mon papa en est le principal responsable. Sa mémoire ferroviaire est encore beaucoup plus étendue que la mienne, alors imagine !!!

@+

TRAM21 :buba:

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Délicieux récit de TRAM21 !!!  :chof:

Les odeurs nous titillent les narines, surtout le sandwich paté, car à l'époque, les glacières n'existaient pas. :lol:

Non, pas taper,pas taper :marto:

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  • 4 mois plus tard...

Hello,

Lorsque j'écrirai mes mémoires, ce chapitre en fera partie, je pense !

En fait, le virus ferroviaire m'a été inoculé très jeune, et mon papa en est le principal responsable. Sa mémoire ferroviaire est encore beaucoup plus étendue que la mienne, alors imagine !!!

@+

TRAM21 :buba:

J'imagine le savoir ferroviaire de ton paternel, sachant que tu connais déjà un sacré rayon.

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C'est marrant, j'habite à Noisy le Roi, à quelques kilomètres de là donc ! ( de l'autre côté de la forêt en fait...) , la gare de St Nom a connu quelques changements à l'occasion de la réouverture ( très partielle pour le moment ! ) de la grande ceinture, il y a longtemps que tu y es passé ?

Je prendrai des photos à l'occasion !

C'est un coin vraiment sympa quoi qu'il en soit, d'ailleurs les alentours de la gare n'ont pas du beaucoup changer depuis cette époque.

Beau récit, on s'y croirait !

okok

Modifié par atari
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  • 2 semaines plus tard...

C'est marrant, j'habite à Noisy le Roi, à quelques kilomètres de là donc ! ( de l'autre côté de la forêt en fait...) , la gare de St Nom a connu quelques changements à l'occasion de la réouverture ( très partielle pour le moment ! ) de la grande ceinture, il y a longtemps que tu y es passé ?

Je prendrai des photos à l'occasion !

C'est un coin vraiment sympa quoi qu'il en soit, d'ailleurs les alentours de la gare n'ont pas du beaucoup changer depuis cette époque.

Beau récit, on s'y croirait !

lapleunicheuse

disons que je croit que plus rien ne transite par st nom maintenant , j ai du faire une dizaine de fois la sono au pipc , et plus rien ne monte de versailles ou acheres

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Très beau récit, un certain talent dans la narration de ces évènements ...

On attend avec impatience tes mémoires ...

Il y a comme une inspiration H.Vincenot dans cette façon de raconter, non ? Pas étonnant pour un Bourguignon ...

A bientôt !!

lapleunicheuse

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