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Le Web des Cheminots

La gare de Nanterre-Université : un blog de recherche


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Bonjour à tous,

Je commence une recherche sur la gare de Nanterre-Université, et son projet avorté en 1974, connu sous le nom de gare P. Je serai heureux de partager avec vous l'évolution de ces travaux, ainsi que (bien évidemment) les éventuelles connaissances dont vous pourriez me faire part sur le sujet! Ce sujet sera donc une sorte de carnet de labo, de blog de recherche qui sera, j'espère, enrichi au fur et à mesure de l'avancement et des trouvailles.

Voici pour l'instant les pistes dont je dispose :

La gare de Nanterre-Université succède à la gare de La Folie, lors de l'arrivée du RER A en 71, par le raccordement de la ligne de Paris à St-Germain-en-Laye au "métro régional". La gare de la Folie, qui desservait le camp d'aviation de la Folie à Nanterre, similaire à celui d'Ambérieu dont on parle dans un sujet voisin, avait été rebaptisé "La Folie - Complexe Universitaire" en 1964, lors de l'ouverture de la fac de Nanterre. Ici dans le film de Godard La Chinoise (1967) :

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Les plans initiaux du métro régional, présents notamment dans "notre métro" de Jean Robert, montrent qu'était prévue, en sortie du tunnel venant de Nanterre-Préfecture, une grand boucle souterraine contournant le campus, et se rattachant à la ligne de St-Germain. La ligne, bifurquant à Préfecture entre les directions Saint-Germain et Montesson, se rejoint à Nanterre-U ("gare P"). La ligne de Montesson devait rejoindre la ligne de Rouen, qui longe le côté nord de l'université vers La Garenne-Colombe et le triage de La Folie. Aurait pu aussi s'y raccorder par le triangle de La Garenne, la ligne de St-Lazare par Les Vallées.

Un raccord de service, d'un rayon de courbure de 146m pour la voie vers Paris, est construit pour envoyer plus facilement les rames du nouveau Réseau Express Régional vers les ateliers de Rueil-Malmaison. Toujours dans Notre métro on voit les MS61 neuves cohabiter avec les rames Standard de St-Lazare, et la ligne est à la fois en 750v troisième rail, et 1500v caténaire. En attendant la construction de la gare P, on pose sur des poutrelles métalliques un préfabriqué, et les trains sortent du tunnel par le raccord de service. Les trains de St-Lazare y sont en correspondance avec le RER

La construction du tunnel est aussi visible dans La Chinoise, et je crois que c'est ADC01 qui me disait se rappeler les travaux?

On construit aussi un tunnel de 600 mètres pour amorcer la courbe vers St-Germain. Ce dernier existe toujours, on y gare des trains de temps en temps, et on le connait sous le nom de raccord de Montesson - quand bien même il s'agit du raccord devant mener à St-Germain.

En 1974, le projet est abandonné. La gare provisoire devient définitive, et malgré ses 60 000 passagers quotidiens, partagés entre SNCF 25kV et RATP 1.5kV, il reste dépourvu d'escaliers mécaniques pour l'accès au bâtiment voyageurs. On accède à l'université par une rampe en courbes, ou, plus récemment, par un souterrain. Est prise la décision, dans le cadre de la réhabilitation du quartier, de construire une gare, qui est en bonne voie et devrait être terminée fin 2015.

Jusqu'à 1974, était prévu un aérotrain entre la Défense et la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. De type aérotrain électrique, avec moteur linéaire (l'engin jouant rôle de rotor, et le rail central de stator, mais dans la longueur) il devait relier les deux points à 3 ou 400km/h. L'EPAD avait demandé la création d'un arrêt à Sartrouville, ville limitrophe avec Montesson. Cette dernière est alors promis, dans sa verdoyante prairie maraichère, à un brillant avenir urbain, justifiant un arrêt de RER.

http://www.ina.fr/video/CAF93027659/le-conseil-general-des-yvelines-rejette-le-trace-de-l-aerotrain-video.html : "le conseil général des yvelines rejette l'aérotrain"

La mort de Pompidou et l'élection de Giscard en 1974 sonne le glas du projet, et le ministre de l'intérieur Poniatowski explique que le moyen de transport était inadapté au trafic attendu - on veux bien le croire - et conviendrait mieux à la liaison Orly-Roissy.

http://www.ina.fr/video/CAF97076056

Il s'est donc passé quelque chose en 1974. L'abandon de ces deux projets est-il lié à l'élection de Giscard?

La date de 1974 m'a sauté aux yeux lorsqu'il y avait eu un déterrage de sujet sur "Nantes-Rennes en 20 minutes avec l'aérotrain nouvelle génération" sur cheminots.net.

J'ai posé la question à des chercheurs et anciens de la mairie de Nanterre, qui m'ont avancé plusieurs hypothèses concernant l'abandon de la gare P :

- Toute la ville de Nanterre est creusée de carrière. Le grand parc André Malraux, immense zone verte urbaine, en est la conséquence : le terrain est trop instable pour y construire du logement. La fac n'y fait pas exception, et le vaste "carré central", occupée par des pelouses, une piscine et des terrains de sport, et autour duquel s'organisent les bâtiments, en est probablement la conséquence. L'abandon des travaux du RER peut-être due à cette instabilité du terrain, et la présence du tunnel ferroviaire sous la fac a d'ailleurs provoqué la destruction préventive de l'ancien restau universitaire qui menaçait de s'écrouler. Aujourd'hui s'y trouve à la place la Maison d'Archéologie et d'Ethnologie, protégée par un totem océanien - tout devrait bien se passer :)

S'y ajoute la présence de nappes phréatiques ; une hypothèse assez peu probable que j'ai entendu avance qu'il fallait construire en vitesse le tunnel et que les ingénieurs y ont renoncé à cause de la présence d'eau. Ils ne venaient pas de creuser un tunnel sous la Seine??

- La construction de la ville nouvelle de Montesson a été abandonnée à peu près autour de cette époque ; venant d'un prof de géo urbaine de la fac de Nanterre j'aurais tendance à y accorder un peu plus d'importance qu'à celle concernant les nappes phréatiques.

- La zone de l'université de Nanterre se trouve dans le quadrilatère préamptable par l'Ets Publique d'Aménagement de la Défense (EPAD, qui dépend directement de l'Etat, et avait presque vu en 2009 Jean Sarkozy, alors en 3e année de droit à Paris II, proposé à sa tête avec le soutien de son père). Longue de 5km, large de 1km, cette zone constitue l'arrière-port de la Défense, et s'y trouvent aujourd'hui toutes les infrastructures de communication, sa "tuyauterie" : l'A14, l'A86, la N918, le RER A vers Cergy-Poissy et Saint-Germain, la ligne L vers Saint-Lazare, Versailles, St-Quentin (U) et Cergy, le triage de la Folie...

D'après un historien de la ville de Nanterre, la construction de la gare P aurait provoqué un élargissement de la zone préamptable par l'EPAD, ce à quoi se serait opposée la mairie communiste de Nanterre, déjà bien embêtée par l'installation forcée du bubon bourgeois qu'était l'annexe de la Sorbonne en banlieue, la future université Paris 10.

Récemment le problème de l'EPAD est revenu, lorsque Patrick Jarry, maire ex-PCF de Nanterre, a créé l'EPASA en 2011, l'établissement public d'aménagement seine-arche, qui a fusionné avec l'EPAD pour devenir EPADESA, Ets Public d'Aménagement de la Défense - Seine Arche.".

La conséquence de la non-construction de la gare P, abandon sur lequel je vais plus précisément me pencher, a été un développement peu harmonieux du quartier de l'université. Privé de vrai gare, le quartier, qui comprend deux cités majeures construites dans les années 1950 (dont Anatole-France, que l'on voit en arrière plan de la photo en dessous), n'a pu bénéficier des infrastructures dont il avait besoin. On compte à côté de la gare le strict nécessaire : un café-kébab, une pharmacie, une reprographie-papétrie pour les étudiants, une supérette, un tabac et une brasserie. L'ANPE qui s'y trouvait à brûlé au début des années 2000, et les locaux sont aujourd'hui occupés par une association caritative étudiante, et une association de promotion du covoiturage et des transports alternatifs. S'y ajoutent un centre social et culturel, deux écoles maternelles et une école primaire.

Les étudiants ne sortent quasiement pas de la fac ("je suis allé une fois à Nanterre-ville, j'avais raté ma station") et ne s'intéressent que médiocrement à leur environnement immédiat, malgré la présence de formations et de recherches portant spécifiquement sur la ville. La plupart arrivent et repartent par le train et le RER sans avoir jamais dépassé la boulangerie.

Le quartier du Petit Nanterre, séparé du reste du territoire par la ligne Paris-Le Havre et la N918, tous deux en viaducs, est l'une des zones prioritaire en terme de développement urbain, et parmi des plus pauvres de France. Y zonent les toxicomanes soignés à l'Hôpital Max Fourrestier, ancienne "maison de répression" de Nanterre, et le public accueilli, dans l'hôpital, au Centre d'Accueil et Soins Hôpitaliers, le CASH, à destination des sans-abris.

En fait la question primaire a été : et s'il y avait eu une gare majeure? Comment se seraient développés ces quartiers et les relations entre l'Université et la ville? Aurait-on eu un deuxième Nanterre-Préfecture, quartier prospère à défaut d'être fréquenté par ses habitants?

Mes recherches porteront sur les débats qui ont accompagné la décisions de construire, puis d'annuler la gare P, si ces débats ont été notés sous forme de minutes. J'irai chercher dans les archives des Hauts-de-Seine (nanterre), du département de la Seine (porte des Lilas), aux archives nationales (à Fontainebleau, pour tout ce qui date d'après 1945), aux archives de la RATP et celles de la SNCF au Mans.
S'y ajouteront une bonne part d'archives orales auprès d'habitants du quartier et de décideurs de l'époque, pour voir ce qui en ressort...

Et bien sûr, si nos très savants amis du forum ont des idées et des informations, je les accueille à bras ouvertes.

La suite au prochain épisode!

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ps : je me joins à la caste des honnis de la République, qui, avec les cheminots, coûtent cher à l'Etat tout en servant à rien : je suis chercheur :)

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  • 2 semaines plus tard...

Alors, ces derniers jours, c'était la première étape "réelle" de mes recherches. J'ai passé deux jours à la bibliothèque universitaire de Nanterre, à présent officiellement vacataire de l'éducation national, à regarder ce que j'y trouvais. Des vieux bouquins (enfin vieux, en terme de recherche quelque chose qui n'a pas été publié dans la décennie actuelle), notamment. "100 ans de banlieue parisienne" de 1988, notamment, m'a apporté des infos intéressantes. En terme de méthode, d'historiographie comme on dit, c'est un peu "retour vers le futur", et certaines idées qui ont maintenant mon âge font gentiment sourire. Il ne faut pas oublier que les sciences sociales dans les années 80 sont encore très marquées par le clivage communiste/anticommuniste, qui structure toute la pensée.

Ainsi, le chapitre "Les transports collectifs devant l'extension des banlieues et l'essor de la mobilité citadine" se clôt-il timidement, prudemment par,

« Toutefois, les tendances récentes de la recherche mènent à une réinterpréation de l'approche par l'offre et la demande, jugée parfois un peu mécaniste, et proposant des approches neuves qui éclairent la question des transports d'un jour assez différent, et surtout la replacent dans des problématiques socio-économiques d'ensemble.»

En d'autres terme, Francis Beausire, l'auteur, se demande si la réflexion simplement en termes d'offre et de demande, un raisonnement purement économique et, il faut le dire, assez détaché de l'étude des comportements des voyageurs, n'est pas un peu simpliste, «mécaniste». Mme. Dupont va vers Paris, M. Durand voyage De Valmondois à Ermont-Eaubonne, pour cause de travail, pour cause de loisir. Cela rapport 100F à la compagnie, c'est rentable, c'est cher pour M.Durand mais plus rapide que l'autobus. Chemin de fer, 1 point.

Aujourd'hui, on verrait les choses un peu différemment, et en histoire on fait souvent ce qu'on appelle (attention, mot barbare), de la prosopographie. La prosopopé, si on reprend les cours de français, c'est quand dans un récit on raconte une histoire. L'exemple type et très littéraire, c'est le serviteur de Hippolyte qui, dans Phèdre de Racine, raconte la mort de son maître. Une histoire dans l'histoire.

En Histoire, avec une grande Hache, on fait de la prosopographie quand on raconte l'Histoire de quelqu'un, à partir d'éléments biographiques concernant une personne. Par exemple, les recensements : un recensement vous donne l'adresse, l'âge, la situation matrimoniale et familiale, l'emploi, le lieu de naissance... du bon ou du mauvais citoyen.

En récoltant beaucoup de ces "histoires" individuelles, on peut avoir une vue plus exacte que de simples enquêtes sociologiques, un peu trop imprécises. Par exemple, lorsque j'ai travaillé il y a quelques années sur les conséquences sur l'habitat et l'emploi de l'ouverture de la Central Line à Londres, c'était très utile de voir quel emploi occupaient les habitants d'un lieu particulier. Comme les métiers sont, au début du XXe siècle très localisés, il est facile de savoir (ou deviner) où travaillent les gens. Si vous êtes imprimeurs, typographe, il y a de forte de chances que vous travailliez sur Fleet Street, près de la Tamise, ou dans Bloomsbury, près du British Museum. La norme est alors de ne pas habiter à pied à plus de 30 minutes de votre lieu de travail. Si vous prenez un recensement pour un lieu précis, vous pouvez en gros tracer un cercle d'une demi-heure de marche de diamètre, et tous les emplois s'y trouveront. Si tout d'un coup des emplois nouveaux et plus éloignés apparaissent, et qu'ils sont nombreux, alors vous pouvez déduire qu'un nouveau transport en commun a fait son apparition, et qu'il a entraîné un déplacement des habitants.

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Prenons un cas fictif : la majorité des habitants d'une place sont typographes ou juristes. On prend le Bottin, on vérifie quelles activités existent dans un rayon de 2 à 3km autour du lieu étudié, et normalement, vous trouverez des imprimeries et des cabinets de juristes.

Si tout d'un coup apparaissent nombres de métiers habituellement situés beaucoup plus loin, disons des orfèvres, vous pouvez regarder où se trouvent traditionnellement l'orfévrerie dans le bottin. Si de nouveaux transports en communs sont apparus, vous les trouverez habituellement dans un rayon de 30 à 45 min en transports en commun, soit 6 à 7 km. Les transports en commun, surtout ferrés, sont un vecteur de mixité sociale et professionnelle. Ils déconnectent, par leur vitesse, le lieu d'habitation et le lieu de travail,

Une enquête professionnelle menée par des syndicats à la fin du XIXe siècle à Londres montre qu'effectivement la distance moyenne passe de 2.5km à 9km entre 1880 et 1910 environ. Dans le même temps, de moins en moins d'artisans habitent au dessus de leur boutique, ou travaillent chez eux, parce qu'ils peuvent maintenant habiter en banlieue, parce qu'ils sont concurrencés par des usines, parce que l'organisation de la production ne se fait plus par secteur précis. Le métro parisien, étudié par Alain Cottereau dans un article de la "revue du XIXe siècle", peut-être vu comme un moyen de transports professionnel jouant le rôle d'un véritable convoyeurs de produits semi-finis. Le cordonnier qui se spécialise dans la fabrication de semelle, apporte sa marchandise à celui spécialisé dans l'assemblage des chaussures, qui l'enverra à celui qui a un atelier de perçage de trous de lacets. C'est difficilement visible à l'oeil nu, ou dans des documents, mais à partir de la connaissance des déplacements professionnels dans Paris au XIXe siècle, et des chiffres de la fréquentation du métro, c'est l'hypothèse plutôt convaincante que propose Alain Cottereau pour expliquer un trafic de 450 millions de passagers en 1913, dans Paris qui fait 1.5 millions d'habitants, et 13 ans seulement après l'ouverture du Métropolitain. Cela ne peut-être compris que par une étude fine des métiers à une époque donnée, de leur fonctionnement, des liens de sociabilités professionnels, et non par la simple étude de chiffres (mais néanmoins nécessaires) montrant l'évolution quantitative de la fréquentation de la ligne Invalide - Versailles Chantiers.

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  • 3 semaines plus tard...

En attendant un peu de texte, des films d'époque, qui nous renseignent sur une certaine façon de penser les transports dans les années 1960.

J'ai déjà proposé des vidéos de l'aérotrain, qui joue un rôle indirect dans le développement de la gare de Nanterre-U. Voilà donc des films du début de la décennie sur le métro régional et le RER :

http://www.ina.fr/video/CAF97019757/futur-metro-1965-premier-metro-express-video.html

Jolie animation à la craie montrant le tracé du futur métro régional, et des images des lieux concernés : St-Germain, la gare de la Folie pour ce qui nous intéresse, à 0:00:39. Celle-ci est située en amont (dans le sens St-Germain) de la gare actuelle, d'après ce que j'en comprends au niveau du pont de la nationale?

Un photogramme du film :

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Une vue googlemap :

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J'ai réalisé une carte, à partir de la carte n°150 au 150 000e de Michelin, édition 1964. La route d'où a été prise la photo est en bleu. J'ai rajouté les lignes finalement construites (en trait plein) et initialement prévues, en tout cas de ce que j'en comprends (en pointillé). En rouge, le RER A, en parme la ligne L (si je peux me permettre cet anachronisme).

On voit la courbe traversant le campus (délimité en pointillé malhabile noir), alors encore parc d'aviation de l'armée de l'air. En réalité la carte n'est à cette époque pas à jour, puisque n'y figurent ni la cité Anatole France, ni la cité des Provinces Françaises, pourtant construite dans la deuxième moitié des années 50. On voit cependant la forte industrie bordant la Seine, et le port de Nanterre, encore aujourd'hui le deuxième d'ïle de France après Gennevillier.

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Un grand moment d'ORTF (Office de Radio Télé Française, pour les plus jeunes) : l'inauguration de la section Nation-Boissy-Saint-Léger ; contraste sublime entre les sièges en bois des anciennes voitures Est (?) et des 141TB d'un côté, et du nouveau MS61 flambant neuf de l'autre.

http://www.ina.fr/video/CAF97019786/inauguration-premier-troncon-de-la-ligne-a-du-rer-video.html

Concernant l'aérotrain à nouveau, un très intéressant document de Pierre Patin, ingénieur de la RATP nommé Directeur général d'Aéropar, la société mixte RATP-SNCF (une première "interconnexion?") chargé de la construction et l'exploitation de l'aérotrain en région parisienne. Il y explique en détail comment, par leurs négociations avec Bertin SA ils avaient résolu la plupart des problèmes relatifs à l'exploitation : comment, par exemple, faire un circuit de voie sans contact avec un rail?

Pierre Patin, « L'aérotrain, un essai réussi mais non transformé », dans Culture technique n°79, 1989, p.76-83

http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/31905/C%26T_1989_19_76.pdf?sequence=1

Un livre récent, Habiter les villes nouvelles, sous la direction de Loïc Vadelorge, a un chapitre entier consacré à l'aérotrain La Défense - Cergy. Il pose notamment la question du public qui aurait fréquenté ce moyen de transport, prévu pour 8000 passagers/heures avec un départ toutes les minutes, probablement très cher, sans doute très inégalitaire. L'exemple de 3M, qui s'était intéressé à Cergy pour installer son siège (jusque là dans l'actuel conservatoire de musique de Rueil-Malmaison) spécifiquement pour la présence de l'aérotrain, est révélatrice. Qui chez 3M aurait pris l'aérotrain? L'employé de base, ou son patron?

Il reprend une idée développée par Patin, selon laquelle l'aérotrain, outre ses limitations inhérentes et ses défauts, était tout simplement trop politique - alors que ses tenants le considère comme l'objet technique par excellence.

Vincent Guigueno : « Un objet en quête de territoire : l'aérotrain et la ville nouvelle de Cergy-Pontoise » dans Loïc Vadelorge, Habiter les villes nouvelles, Le Manuscrit, Paris, 2006, p. 63-80

sur google books : http://books.google.fr/books?hl=fr&id=KK7YNpTLjsgC&dq=a%C3%A9rotrain+pierre+patin&q=a%C3%A9rotrain#v=onepage&q&f=false

Aussi, un article paru récemment :

Xavier Desjardins, « Evolution des schémas, permanence des tracés : la planification de la région parisienne au prisme des réseaux ferroviaires » dans Géocarrefour, vol 87 n°2, 2012.

Il s'intéresse notamment aux différent types de prises de décision et d'aménagement ("rationnel", "stratégique" et "collaboratifs") ayant présidé selon lui aux aménagement ferroviaires de la RP depuis 1960. Je trouve l'article un peu réducteur : Desjardins voit les années 60-70 comme purement "rationnelles", autre mot pour technocratique, et sans consultation, alors que le District de la Région Parisienne, qui était l'autorité public d'aménagement de la région parisienne à partir de 1961, comprenait aussi bien des élus qu'une assemblée consultative composée de personnalités locales. Ce n'est pas le modèle de démocratie à islandaise, mais ce n'est pas la construction des murailles de Paris en 1830 non plus...

Mais il y a plein d'idées intéressantes! A lire si vous avez un accès à Cairn.info, ou du temps pour aller en biblio...

Enfin, pour rester chez les partisans de cette belle chimère qu'est l'aérotrain, je vous engage à regarder un bout du docu "on a retrouvé le dernier aérotrain", réalisé par un passionné, découvrant à Pueblo, où était essayé la version américaine de l'engin, en collaboration avec l'entreprise d'aérospatiale Rohr, des anciens du projet. Ils y expliquent que l'aérotrain était tout simplement trop gourmant en énergie - essayé là-bas à l'électricité, dans une version sans doute proche de ce qui aurait été la ligne Cergy-La Défense - et trop bruyant, même sans réacteur. Il aurait fallu une sous station tous les 8km, et le projet Aéropar prévoyait 5 sous stations alimentées en 67kV (Cf Patin) sur le parcours. Quant au moteur linéaire, était-il seulement réellement viable? Tout un programme...

Enfin en terme de temps gagné, même si l'aérotrain faisait le parcours en 10', le RER n'en aurait pris que 25, et en terme de temps total de déplacement, l'investissement se révélait finalement peu intéressant.

À plus!

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Actuellement, j'ai entendu parler de 2015 pour la fin définitive des travaux de Nanterre-U, gare P pour les intimes. Reste à savoir si, pour une fois, le BTP finira à temps (c-a-d s'il paye des pénalités d'avanceje sors).

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Bonjour à tous,

merci de vos précieuses infos, en particulier Ae 8/14 pour la carte de 1935!

Ceper, comme la gare aurait déjà du être finie en 2014 (c'est ce qui était dit en 2009 en tous les cas) on est déjà en retard ; cela dit depuis 40 ans, on est plus à trois ou quatre semestres prêts!

Beaucoup de trams sont maintenant des bus, avec un numéro similaire... Celui qui part du rond-point de la Défense et va vers l'avenue george clémenceau, et continue vers Saint-Germain, était le tram 58 - maintenant remplacé par le 258! Tiens, il y aussi un tram qui va de la Défense au pont de Bezon! c'st le T2?

J'en profite pour faire un petit erratum : en 1900, Paris ne fait pas 1,5 millions d'habitant, comme je l'indiquais dans un message précédent, mais atteint au contraire son maximum historique, avant la décrue (vers la banlieue) des décennies suivantes. Paris intra-muros compte alors 2.9 millions d'habitants!

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Remarque, la fin des travaux était prévue en 2012, mais c'était la date hors taxes. Ce qui fera fin 2015, début 2016 TTC.... si tout va bien. Mais c'est vrai qu'après une quarantaine d'années, tout est relatif le "provisoire définitif" et le "définitif provisoire" => 2 concepts franco-franchouillards à méditer

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Invité technicentre

Le provisoire définitif de ce quartier précis est tellement compréhensible lorsqu'on voit comment celui-ci a bougé...

Pour info, le tunnel par où sort le RER est celui qui était retenu pour l'arrivée de l'aérotrain mais qui fut utilisé pour faire une possible porte de sortie pour le préfet en cas de besoin si il y avait eu impossibilité de sortie de l'autre côté... Une route déserte aboutissait vers la caserne des gardes mobiles... Jamais vu le moindre véhicule dessus mais l'itinéraire était éclairé et goudronné...

Tiens, Peppercorn, sais-tu pourquoi il y a un poteau sur le raccordement du RER qui est épais d'une bonne dizaine de mètres d'épaisseur? Il a fait l'objet d'une procédure qui a retardé l'ouverture du RER de plusieurs années... Erreur de mètrage entre SNCF et RATP... Chacun a fait construire son demi pilier alors qu'il y avait un vide entre les deux de bien 2 ou 3 mètres... Mais qui devait payer ce qui manquait? Tout était fini de chaque côté sauf ce trou nonmaisnonmaisnonmais

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Comme c'est intéressant! Le projet de BTP de l'aérotrain a donc été conservé pour le RER de Cergy...

Il y a toujours une route bizarre qui ne mène nul part - enfin, elle relie la petite gendarmerie à la préfecture des hauts de Seine, mais elle est fermée par des plots en béton.

Je suis passé à côté des piliers mais je ne suis pas sûr d'avoir vu celui de 10m d'épaisseur... Enfin si, juste après la traversée au dessus des voies de la ligne de St-Germain, l'un des pilier ressemble effectivement à un gigantesque cube de béton, est-ce celui là?

Remarque que je me suis faite en lisant les rapports et critiques du schéma directeur de la région parisienne de '65 : il y a beaucoup de noms de villes, de nombres de voyageurs à 6 ou 9 chiffres, mais l'aspect local manque totalement. On demeure dans une grande d'abstraction avec "Cergy-Pontoise" relié à "Trappe-Sud" pour transporter 50 000 passagers par heure dans des trains aux wagons de 246 places roulant à 90... Mais pour l'instant, je n'ai pas vu la moindre mention d'une quelconque préoccupation sociologique fine, alors qu'on se préparait à aménager une région pour 14 millions d'habitants - chiffre magique et justifiant à peu près tout.

Modifié par Peppercorn Class
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Invité technicentre

Oui oui, c'est bien celui là... Aucune des 2 entreprises ne voulait payer l'erreur, donc, elles ont persisté dans la connerie jusqu'au bout...

Pour ta réflexion sur l'absence de prise en compte du local dans les études, il faut bien se remettre en tête les habitudes de vie de l'époque... Le local? Mais ce ne peut être que de l'automobile... As-tu une autre proposition? Et pour ce que tu cites, le Cergy/Trappes, c'est le futur matériel Ô combien novateur des rames VB2n poussées par des locomotives mixtes qui ne reprenait finalement que le schéma lui révolutionnaire des rames à étage Etat qui en étaient elles à leur mi vie... Mais je te signale par contre que cette ligne Cergy/Trappes est la seule prévue pour lier 2 des 5 villes nouvelles... La ligne réutilise en fait des infrastructures déjà existantes (même si il manque quelques km côté Cergy sauf si on place l'origine de ce côté à Pontoise, seule gare existante à l'époque du coin (Eragny est peu accessible à l'époque faute de ponts existants sur l'Oise...). Par contre, 50 ans après, même cette liaison directe n'existe toujours pas...

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Sujet très intéressant, mais pour plus de clarté dans le contexte historique je préconise de parler de "ligne du groupe III" et "groupe V" plutôt que de "ligne L" et "ligne J", la logique du Transilien étant plutôt une synoptique abstraite.

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Sujet très intéressant, mais pour plus de clarté dans le contexte historique je préconise de parler de "ligne du groupe III" et "groupe V" plutôt que de "ligne L" et "ligne J", la logique du Transilien étant plutôt une synoptique abstraite.

Je crains que pour beaucoup les groupes III et V ne soient guère plus parlant que les lignes L et J...

Ces lignes n'ont elles pas une origine et un terminus (et vice-versa...) avec, éventuellement une gare intermédiaire au cas où il y aurait deux itinéraires possibles? (cas des groupes V et VI... mdrmdr).

Modifié par Inharime
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Le noeud ferroviaire ouest-parisien est assez complexe et difficile à décrire simplement par des origines-destinations, c'est pourquoi on parle souvent des groupes.

Un paris-mantes via poissy passe par asnières, la garenne-colombes, houilles, sartrouville.

Un paris-cergy passe aussi par asnières, la garenne-colombes, houilles, sartrouville, mais sur un itinéraire qui n'a rien à voir.

Un paris-cergy par RER ... encore un autre tracé... etc, etc

En plus ça permet de mieux recomposer l'évolution historique : groupe III = paris/st germain en laye, découpé à Nanterre en deux tronçons, l'un rattaché au RER... générant un point d'interconnexion fastidieux et des gares finalement mal implantées comme dit plus haut.

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Invité technicentre

Gares mal implantées? Je ne sais... Pour avoir connu pas mal de sites gamins et voir ce qu'ils sont devenus maintenant, je n'ose te répondre...

Les quartiers ont tellement évolués que les re situer maintenant est presque impossible... Que de projets abandonnés, que de réalisations qui n'existent plus comme le passage en aérien de l'A14 derrière la pref de Nanterre qui n'est plus que souvenirs alors que la route passait bien mieux qu'en souterrain comme maintenant...

Je me rappelle, gamin, lorsqu'on prenait le RER A... On passait à Nanterre pref et personne ne descendait ou montait... Tout le monde parlait de gare fantôme... Les bouches sortaient au milieu du No Man's Land ayant suivi la destruction d'un des bidonvilles, juste occupé par quelques camions de CRS plantés là, au milieu de nul part...

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Le dernier "autopont" de nanterre a été démoli vers 2005 il me semble. Et la transformation des quartiers dans l'axe de la défense n'est pas terminée. Il y a encore beaucoup d'espace à remplir de logements hors de prix pour joyeux franciliens.

Un peu plus loin, la gare qui n'a "presque pas" changé

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  • 2 mois plus tard...

Bonjour,

Si cela peut aider, j'ai le souvenir d'avoir entendu de mon grand père (qui est utilisateur régulier depuis les années 60 de la ligne) la raison suivante à cette évolution du tracé de la branche A1: l'option initiale exigeait, peu après Nanterre Ville, la construction d'une trémie d'accès pour permettre de passer du niveau "Sol" à celui du tunnel sous Nanterre.

Cette trémie impliquait de détruire le siège de la société Nathalys (anciennement Usine du docteur Pierre), un bâtiment visible sur la gauche quand on part de Nanterre Ville vers NAU; or, ledit bâtiment aurait été classé "In Extrémis" monument historique par ses propriétaires afin d'empêcher sa démolition (c'est mot pour mot ce que j'ai entendu).

J'ai trouvé sur le site de la ville (lien) une information selon laquelle il ne serait classé que depuis 1992, ce qui semble bien éloigné de 1974... a moins que les démarches seules puissent permettre de bloquer toute démolition, le temps que le dossier soit statué ?

Aujourd'hui, le bâtiment n'est pour ainsi dire pas entretenu et tombe en ruine... Tout ça pour ce résultat...

Voilà, j'ignore si cette histoire est la cause du tracé actuel ou non, mais dans le doute je tenais à la rapporter. ;)

Modifié par -pH-
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Bonjour tout le monde,

Merci pour vos souvenirs et idées et vos documents!

Cela confirme à peu près le schéma et la carte postés un peu plus haut ; le tracé décrit une boucle sous le campus actuel, vers le nord de Nanterre, pour ensuite rejoindre la ligne de St-Germain. On lit dans l'explication accompagnant le Schéma directeur de l'urbanisme et d'aménagement de la région parisienne (SDAURP, 1965) que la réalisation d'une gare dans le nord de la ville aurait permis de développer les quartiers aux alentours. C'est au SDAURP que l'on doit notamment les villes nouvelles.

La version initiale du schéma prévoyait en outre une "gare de délestage" de grande ligne, complétant la gare st-lazare. Elle se serait trouvée au bout de l'université, dans un grand espace vert ; c'est en tous les cas ce que faisait apparaitre la carte.

Après si une vraie carte précise du projet existe, ce serait très intéressant de la trouver. Probablement à la RATP...

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Petites choses trouvées en passant, dans Paris et le désert français de JF Gravier (1947, le livre qui a tout changé en terme d'aménagement du territoire).

En 1939 :

Lyon-Paris-Bordeaux (1093km) : 10h50, soit un bon 100km/h de moyenne

Lyon-Bordeaux (639km): 12h05, soit 30km/h de moyenne. Aah les 141TA du PO...

Lille-Paris-Nancy (611km) : moins de 6h

Lille-Nancy (386km) : 6h23, une moyenne de 40km/h environ.

Il y a une carte des relations rapide, où la vitesse commerciale est supérieure à 80km/h en 1938. Si tout le Nord, la Normandie, la Bretagne jusqu'à Rennes, Nantes et Redon, Bordeaux, Brive, Marseilles et Nice, et l'Alsace, en partant de Paris, sont concernés, tout le reste... est rigoureusement vide. Dans le midi la vie s'arrête au sud de Brive et Bordeaux...

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  • 1 mois plus tard...

Hello,

Après les vacances on reprend le travail... Les choses vont un peu changer, parce que j'ai obtenu un contrat doctoral - un CDD de trois ans avec l'école des hautes études en sciences sociales (EHESS) - assorti d'un salaire de 1250€ net, qui me permettra, de faire, pendant ce temps, une recherche pour une thèse de doctorat. C'est à la fois beaucoup et très peu quand on a pas encore eu l'occasion d'avoir une indépendance, et je vois ce salaire dans mon budget disparaitre entièrement dans l'acte d'exister et d'avoir un chez-moi... Cette thèse ne portera pas du tout sur les transports en commun parisien, mais sur les fabricants d'instruments de musique à Paris à l'époque de Louis XIV. Pas aussi sexy que "Chevaliers et paysans du lac de Paladru autour de l'an mil"

(qui est un bouquin qui existe vraiment :) )

Dans quelques jours j'irai voir aux Archives nationales, dans le nouveau bâtiment de Pierrefite, les archives de la série TT (Transports terrestres), notamment sous la cote TT 3747 à 3758, la boite contenant les archives de l'Aérotrain. Un ensemble de documents concerne notamment des cartes et photos de la ligne de Paris à Cergy, qui semble-t-il apparaît aujourd'hui sous la forme du viaduc du RER vers Cergy...

https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action?udId=root&consIr=&irId=FRAN_IR_012063&frontIr=&auSeinIR=false

Pour les intéressés, j'en profite pour donner la page des archives de la RATP, qui peut être un peu difficile à trouver sur ratp.fr :

http://www.ratp.fr/fr/ratp/c_5114/patrimoine-vivant/

Et un bouquin fort intéressant pour toute personne intéressée par l'histoire des transports parisiens :

Guide des sources de l'histoire des transports publics urbains à Paris et en Ile de France XIXe – XXe siècle, sous la direction d'Henri Zuber

C'est un catalogue des sources concernant les transports parisiens, concernant notamment les archives de la RATP. Il évite d'avoir à plonger son nez au fur et à mesure dans les différents fonds d'archives pour en trouver la teneur, et me gagnera un temps précieux...

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  • 2 semaines plus tard...

Hier, premier passage aux Archives Nationales. Les documents d'après 1789 sont pour la plupart conservés dans le nouveau bâtiment des Archives à Pierrefittes, à côté du métro Saint-Denis-Université. Il ne faut donc plus aller au milieu de la forêt de Fontainebleau où elles étiaent jusque là, rituel de passage à l'âge adulte pour nombre d'historiens...

J'ai l'occasion d'ouvrir la boîte de Pandore (juste une pour le moment) : le fond concernant l'Aérotrain. J'ai déjà mentionné plus haut l'importance de ce moyen de transport dans le développement ferroviaire de Nanterre, et un membre qui se reconnaîtra m'avait gentiment indiqué que l'actuel viaduc du RER vers Cergy était initialement sur le tracé de l'Aérotrain vers Cergy. Je voulais comprendre les raisons du succès puis de l'échec du projet.

Une question que je me suis posé : pour un sujet sur lequel il y a tant de fantasme, y a-t-il eu des recherches sérieuses? Les partisans de l'Aérotrain clament souvent que la SNCF avait été l'un des acteurs principaux de l'échec, mais la lecture des documents, rapports d'essai de la Commission de Développement de l'Aérotrain (dépendant du ministère des transports), et la correspondance entre les acteurs, donne du plomb dans l'aile de cette hypothèse. Non seulement la SNCF montre un intérêt, mais en plus elle essaie de garder une certaine mainmise sur le développement de Cergy-Défense.

En décembre 72, une lettre de Albert Fioc, directeur des études générales de la SNCF, à B. Felix, ingénieur en chef des Ponts et Chaussés au ministère des transports, direction des transports terrestre, tourne autour de la nécessité de relancer les essais de "l'aérotrain d'Orléans". Par ailleurs, il note que, "comme B. Felix", il considère que, le projet La Défense-Cergy est de la RATP et de la SNCF (en lien avec Bertin, dans la société Aéropar), la Commission de projet n'a pas à y mettre son nez, et que le moment venu, elle pourra demander des informations à l'exploitant.

Par ailleurs, les rapports de la Commission d'Essai font apparaître la participation de la SNCF dans les discussions des résultats d'essai. On le voit par l'apparition, entre les séances de mars 71 et avril 71, de 6 ingénieurs de la SNCF.

On apprend dans ces rapports des éléments intéressants. Ainsi, l'hélice de l'aérotrain est propulsé par de la technologie bien connue : des turbines Turboméca, et une turbine Astazou... commes les turbotrains. Elles sont tarées à 2400kw pour les Turboméca, puissance max qu'elles peuvent développer pendant 2 minutes 30 maximum. Cela permet à l'aérotrain "à hélice", d'un poids de 20t, de se sustenter et se mouvoir à 250-300km/h, vitesse de croisière visée. 2400kw pour 150 passagers... c'est pas terrible en terme poids-passagers-puissance hein!

Par ailleurs, l'un des prob principaux est le freinage. Plusieurs essais sont fait : essais de divers mâchoires en bois, en Ferrodo, accompagné d'un "réverse" de l'hélice. La voie étant en béton, les mâchoires en bois sont à usage unique, puisque perdant 35-40mm par freinage. Ce sont celles qui freinent le mieux. Par ailleurs, la distance de freinage est incroyable pour un engin de 20t seulement : pour passer de 300km/h à l'arrêt, avec mâchoires et réverse, il faut plus d'un kilomètre...

Dans l'un des rapports, en 71, B. Felix, président de la Commission d'Essai, demande le début d'essais pour un futur aérotrain électrique Orly-Roissy, pour un budget de 15 millions de Francs.

Concernant cet aérotrain électrique, ensuite prévu pour Cergy-Défense, B. Felix, dans une lettre à son ministre de tutelle en 1972, indique les principales difficultés du développement de celui-ci. Prévu avec un moteur à induction, il est confronté aux problèmes du courant alternatif à l'époque.

Il devait fonctionner sous 5000V alternatif, avec un contrôle de la vitesse par

- Un double moteur (un pour les marches lentes, l'autre rapide)

- Un gradateur.

Le problème est que l'aérotrain doit être aussi léger que possible, et la technologie à gradateur est très lourde... Félix réfléchit donc à une technologie par variation de fréquence, mais le hâcheur n'est pas encore prêt techniquement (les 7200 et BB22200, qui sont les premières à l'utiliser de manière, sortent 4 ans plus tard, et sont autrement plus lourde qu'un aérotrain!).

Il propose donc :

- Soit de pousser le développement de la variation de fréquence, et il serait intéressant de voir en quoi ça aura pu, rétrospectivement, profiter au ferroviaire (on est 2 ans avant la BB7003, première machine à hâcheur par thyristor)

- Soit de passer à un système par "roues pressées" (je suppose un système mixte coussin d'air - roues) quitte à utiliser l'induction linéaire à moyen terme

- Soit de faire des véhicules transformables quand la technologie du hâcheur serait prête et LEGERE.

Félix note que, pour l'aérotrain américain ROHR, on utilise la variation de fréquence, et une coupure des Echos présente dans le dossier d'archive annonce que le ROHR a atteint 160km/h en 1975. Mais des anciens du Rohr expliquait dans un docu que pour le faire fonctionner il fallait utiliser quasiment à plein régime la centrale à charbon locale, et que toute la base aérienne où il était essayé avait clignoté au démarrage : le problème américain était donc simplement un manque de puissance électrique...

D'après ce que j'ai pu lire, l'induction linéaire aurait de toute façon nécessité des sous-sta tous les 3-4km, ce qui était un peu compliqué pour de la banlieue...

La suite avec des photos!

Modifié par Peppercorn Class
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Quelques photos (de l'auteur :) ) pour illustrer :

les archives nationales à Pierrefitte, un joli bâtiment - un hangar avec salle de lecture, en substance.

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Le dossier contenant les documents. Joli ruban de fermeture :)

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Une maquette de l'aérotrain sur un prospectus en langue anglaise de la société Bertin :

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Une maquette de l'aérotrain "Suburbain" de 40 places, et un plan du véhicule

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Une lettre de A. Fioc, directeur des études générales de la SNCF (cliquez pour agrandir!)

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