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la crise , les syndicats et comment ça se passent tout en haut


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Invité MarcM
Publication: (modifié)

John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des Syndicats (CES), appelle à la création d’une nouvelle alliance sociale qui unirait les syndicats au monde des affaires et aux gouvernements afin de contrer l’orgie auto-destructrice des marchés financiers.

Sa déclaration :

Les montants sont à peine croyables, astronomiques même. Des spéculateurs peu scrupuleux manipulent des milliards pour réaliser des gains inconsidérés sur les marchés boursiers et dans la négociation des matières premières, comme le pétrole et les denrées alimentaires. J’avais l’habitude d’utiliser le terme “capitalisme casino” jusqu’à ce que je réalise que les jeux de hasards étaient mieux réglementés que cette débauche de spéculation. Si nous ne faisons rien pour arrêter ces excès, le capitalisme lui-même sera menacé. Nous tous syndicats, gouvernements, employeurs avec une conscience et dirigeants venus de tous les horizons politiques devons faire front pour renverser la situation. Et ce que je dis ici n’est pas anodin, de la part d’un ancien militant de la lutte des classes.

J’ai été élevé dans un contexte où les négociations collectives étaient perçues comme un compromis entre le socialisme, représenté par les syndicats, et les employeurs capitalistes. Forts de ces convictions, nous considérions les accords comme une trêve dans la lutte des classes, et non pas comme une sorte de relation chaleureuse et constructive. Dès que quelqu’un parlait de partenariat, il ou elle risquait de se faire traiter de traître. Dans la pratique, entre adultes consentants négociateurs syndicalistes et directeurs du personnel les relations étaient souvent amicales et basées sur la confiance. La rhétorique, quant à elle, était souvent dure et axée sur la confrontation.

Je n’ai moi-même jamais été vraiment satisfait de cette façon de voir. J’avais grandi dans l’ombre d’un géant industriel et j’avais apprécié l’attitude paternaliste et toutefois progressiste de l’entreprise, ainsi que l’esprit de coopération des syndicats. Les travailleurs pouvaient recevoir des actions, bénéficier d’une médecine du travail efficace, d’un coup de pouce financier pour que leurs enfants aillent à l’université, et de bien d’autres avantages.

J’admirais également le succès remarquable de l’Allemagne de l’Ouest d’après-guerre et la performance continue de la Suède, toutes deux basées sur la négociation collective et ce que l’on appelait le dialogue ‘social’. J’en suis venu à apprécier la supériorité des démocraties sociales continentales (et dans une moindre mesure, les démocraties chrétiennes) qui allaient au-delà de ces attitudes polarisées de ‘nous et eux’, qui ont causé tant de dommages dans de nombreuses industries et sociétés en Grande-Bretagne.

C’est ainsi que durant la décennie où j’étais secrétaire général du Congrès des Syndicats en Grande-Bretagne, je me suis particulièrement impliqué dans la promotion des vertus du partenariat à l’européenne. J’ai affirmé que négocier avec des compagnies performantes était plus productif que de négocier avec des compagnies non performantes. J’ai aussi dit à mes camarades syndicalistes que la guerre des classes était dépassée depuis que les changements sociétaux avaient débouché sur une augmentation conséquente des classes moyennes, et que de ce fait la Grande-Bretagne avait besoin d’établir de bien meilleures relations de travail si elle voulait rester en phase avec les pays voisins.

Mais aujourd’hui, les développements internationaux du capitalisme moderne ont un effet dévastateur sur ceux d’entre nous qui croient toujours aux vertus du partenariat comme meilleur moyen d’aller de l’avant. Ces vingt-cinq dernières années, le capitalisme moderne a privilégié la mise en adéquation des intérêts des compagnies avec ceux de leurs actionnaires ou de leurs propriétaires. La plupart du temps, ces actionnaires recherchent un retour sur investissement rapide.

La responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs actionnaires s’est est trouvée fortement renforcée, avec des cadres bien souvent rémunérés en actions et en stock-options, en fonction des profits redistribués aux actionnaires. Cette participation a eu des effets importants sur la psychologie et sur la motivation des managers dans les grandes corporations. Avant cela, leurs objectifs étaient différents. Bien entendu, ils voulaient que l’entreprise soit profitable mais ils respectaient également la position de la compagnie au sein de la communauté et ils privilégiaient les bonnes relations avec les syndicats et le gouvernement. Dans certains cas même, ces dirigeants reconnaissaient également qu’il était de leur devoir de se soucier du bien-être de leurs employés. La rémunération des chefs d’entreprise n’était pas dictée exclusivement par l’actionnariat, mais était fondée sur une variété de critères dont entre autres la croissance de parts de marché. En résumé, ces directeurs devaient rendre des comptes à une série d’acteurs de l’entreprise et pas seulement aux actionnaires.

Ce n’est plus le cas dans le monde anglophone. La valeur de l’actionnariat constitue le premier, le second et l’ultime objectif du management. Sinon, l’entreprise risque de perdre sa valeur d’attraction pour l’investissement.

Il ne faudrait pas pour autant affirmer que le monde de la finance n’est qu’un club de super riches. C’est aussi un club de super riches qui gèrent des fonds de pension et l’argent d’assurances vie au bénéfice des citoyens ordinaires. Ces investisseurs exigent de hauts rendements, cherchant des investissements rapportant des taux d’intérêts de 20% ou plus, même lorsque l’inflation se situe à peine à 2% ou 3% par an. Les fonds de private equity et les hedge funds constituent la manne provisionnelle des services financiers dans le monde, mais ils ne sont pas les seuls requins dans cette mer. Une panoplie complexe de “véhicules d’investissements” sont en train de naviguer non loin, à la recherche de victimes infortunées à attaquer. Ils font usage d’exemptions fiscales, d’emprunts à effet de levier et de montages d’actifs, souvent impitoyables pour arriver à leurs fins. La spéculation à travers des produits dérivés et d’autres produits financiers font grimper les prix. C’est une économie de spéculation où les engagements mutuels à long terme sont remplacés par la demande du marché pour des gains financiers importants et rapides. Le problème ne touche pas seulement les marchés boursiers et les secteurs dérivés de la finance. Alors que les rapports du marché immobilier montrent des signes de ralentissement, les spéculateurs ont tourné leur attention vers les matières premières, dont le pétrole et certaines denrées alimentaires.

Il est étonnant de voir qu’il y a quelques années seulement, peu de gens auraient pu expliquer comment fonctionnait un hedge fund, ce qu’était un marché dérivé ou ce que signifiait “strip and flip” (acheter une firme et la revendre après l’avoir introduite en bourse, dans un temps assez court) en matière de private equity. Un tel niveau d’ignorance a, semble-t-il, touché également les rangs des dirigeants de certaines des plus grandes banques mondiales. Nous savons en effet aujourd’hui qu’ils n’avaient aucune idée des risques réels encourus par le marché immobilier des subprimes aux USA.

Il faut ajouter à cela que durant les années qui ont précédé cette crise, la réputation du monde des affaires était généralement bonne. Ainsi, la position politique dominante en Europe a longtemps été en faveur de la liberté totale du monde des affaires loin de toute contrainte et de régulation. La réduction des impôts des entreprises semblait une évidence, tout comme l’inégalité des salaires semblait inévitable, car toute tentative d’infléchir les salaires de managers talentueux aurait impliqué leur migration pure et simple vers des pays avec les plus hauts salaires et les impôts les plus bas.

Aujourd’hui, on rencontre au moins des signes de changement. L’image des financiers a beaucoup souffert de la crise des subprimes, sans parler des révélations sur la façon dont les principales banques spéculaient en obligations basées sur des crédits hypothécaires risqués et incompris. La chancelière allemande Angela Merkel a dit dernièrement que “le robuste système de devise de l’euro n’a pas encore réussi à s’assurer une influence suffisante sur les lois qui gouvernent les marchés financiers.” Merkel a appelé à la création d’une agence de notation européenne pour rivaliser avec celles existantes aux États-Unis, et elle désire créer une nouvelle structure réglementaire pour que les banques maintiennent un ratio plus élevé de réserves en capital.

La combinaison de cupidité excessive et de spéculation insatiable a également entaché la réputation du monde des affaires. Le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui est aussi président de l’Eurogroup, qui rassemble les ministres des finances de 15 pays membres de la zone euro, a récemment dénoncé les rémunérations excessives des dirigeants d’entreprises. Les sondages d’opinion à travers l’Europe montrent que la majorité des gens veulent une augmentation des impôts pour les plus nantis. Certains gouvernements en Europe prennent déjà des mesures pour contenir les excès des conseils d’administration. En Allemagne, les sociaux-démocrates font pression pour la mise en place de lois restreignant les rémunérations excessives dans les entreprises, tandis que les chrétiens-démocrates s’opposent l’idée des stock-options. Aux Pays-Bas, le débat a été un pas plus loin, avec un projet de loi présenté au Parlement qui taxerait les généreuses indemnités de rupture de contrat.

L’effet de ce changement d’attitude tant dans l’opinion publique que dans la sphère politique est en train de se propager, avec un lobby des affaires montrant déjà des signes de faiblesse en Europe. Les grosses entreprises n’apprécient pas les accords-cadres sur le travail intérimaire. Tout comme elles n’aiment pas non plus le renouvellement des pouvoirs des comités d’entreprises européens. Mais le Conseil européen et la Commission poursuivent leurs efforts pour voir aboutir ces projets pour la première fois depuis de nombreuses années – malgré les inquiétudes des employeurs.

L’attention est également tournée vers les pratiques louches de certains gros investisseurs. Et plus les gens comprennent les méthodes d’organismes comme les hedge funds, plus le système apparaît choquant. Leurs méthodes remettent en question la définition même d’une entreprise et les obligations spécifiques qui en découlent. Par exemple, un business qui s’évalue en milliards de livres sterling a vu le jour en emprunts de titres. En échange d’une commission, un hedge fund arrangera l’emprunt de titres d’une compagnie d’assurances ou d’un fonds de pension qu’il vendra ensuite. Les hedge funds vendent les titres simultanément, et le mouvement à la baisse s’auto-renforce, du fait que les compagnies tentent de lever des fonds avec une opération d’émission de droits de souscription particulièrement risquée”. On estime que les emprunts de titres dépassent 7,5 milliards de milliards de livres sterling.

Les sociétés qui tentent de lever des fonds ne sont pas les seules cibles. Le site Internet de Data Explorers (www.dataexplorers.com) vous donne une idée de l’étendue du cauchemar. Ainsi, 10% des parts de la société britannique d’entrepreneurs Barratts ont été empruntées pour être vendues. Le directeur Mark Clare a affirmé penser que son entreprise était victime de la conspiration d’un vendeur après que les actions de la société se sont effondrées dans un contexte d’importants échanges commerciaux. Où y a-t-il place dans ce contexte de folie financière pour un partenariat social ?

Les pires excès du genre se situent dans le monde anglo-saxon, mais ne nous leurrons pas, l’Europe continentale est également fortement affectée comme le montrent les pertes des banques allemandes et suisses. Les hedge funds sont présents sur toutes les bourses d’Europe ainsi que les fonds de private equity. Heureusement, l’investisseur et philanthrope américain Warren Buffet cherche également à faire des acquisitions en Europe; espérons qu’il pourra contrecarrer les requins.

Les pires ennemis du capitalisme se trouvent aujourd’hui dans ses propres rangs. Ces opérateurs financiers ne se soucient guère du changement climatique ou des nouvelles technologies basées sur l’économie d’énergie, bref tout ce qui pourrait s’avérer utile à la communauté. Leur philosophie se cantonne dans un territoire qui pourrait être résumé par le refrain du groupe pop Abba: “Money, money, money. It’s a rich man’s world.” Ils doivent être stoppés par les sociaux-démocrates, par les démocrates chrétiens, par les syndicats, par la solidarité européenne et par des actions conjointes entre les USA et d’autres nations. Dans le cas contraire, ces monstres de la finance nous détruirons et ils se détruiront eux-mêmes dans une orgie de spéculation.

Sauver le capitalisme de lui-même</b>.” Ce n’est pas une revendication que l’on a l’habitude de voir sur les banderoles des syndicats, mais elle est plus nécessaire que jamais.

Bref , demmerdez vous, on fait le reste ! !

Modifié par MarcM

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