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Les dessous pas chics de la RATP

| 12.09.11 | 12h15 • Mis à jour le 12.09.11 | 14h54

L'homme mis en cause s'appelle Gwenaël Eslan. Patron, jusqu'au début de l'année, de l'UNSA-commercial, une ramification de l'UNSA-RATP, il est accusé d'être à l'origine d'une multitude de turpitudes.AFP/MARTIN BUREAU

C'est le grand déballage. Un torrent de boue qui enfle au fil des jours et souille l'image de la RATP, de la base jusqu'au sommet. A l'origine de cette affaire, une lettre anonyme adressée le 22 juin au PDG de l'entreprise, Pierre Mongin. Son contenu, révélé deux mois plus tard par Lepoint.fr, donne le tournis. Il dénonce un "système" instauré par un "gourou et roi syndicaliste" dans le "département" qui englobe – entre autres – le personnel commercial du métro.

L'homme mis en cause s'appelle Gwenaël Eslan. Patron, jusqu'au début de l'année, de l'UNSA-commercial, une ramification de l'UNSA-RATP, il est accusé d'être à l'origine d'une multitude de turpitudes : népotisme, harcèlement sexuel et moral, agressions verbales et physiques, parties fines dans des locaux syndicaux et professionnels… Le corbeau le décrit comme omnipotent, capable de promouvoir ses vassaux à des postes intéressants et de briser les carrières de ceux et celles qui lui tiennent tête. Des dirigeants en prennent également pour leur grade, car ils auraient couvert tous ces agissements et conclu une sorte de pacte non écrit avec M. Eslan : faciliter le déroulement de carrière des adhérents de l'UNSA-commercial qui, en échange, signeraient sans discuter les accords proposés par la direction.

Depuis la divulgation du courrier anonyme, les langues se délient. L'affaire, qui a éclaté quelques mois après une querelle fratricide au sein de l'UNSA-RATP, prospère sur fond de concurrence syndicale exacerbée.

Qui est M. Eslan ? Difficile à dire, puisque l'intéressé n'a pas voulu répondre au Monde. Mais il a récemment accordé un entretien au quotidien Le Parisien, dans lequel il affirme que "tout ce qui est (…) dans cette lettre est faux" et se pose en "victime d'un règlement de comptes au sein de [son] propre syndicat". Son avocat, Me Richard Forget, indique avoir déposé deux plaintes, dont une pour diffamation.

En 2010, M. Eslan a publié un livre autoédité où il retrace son parcours. Recruté "en tant qu'agent de service dans les bus, [son] emploi consiste, entre autres activités, à les nettoyer", écrit-il. Un jour, il refuse de suivre un appel à la grève lancé par la CGT. Des hommes s'approchent, le regard menaçant. "Alors je dus me saisir d'une grosse clef à molette trouvée à proximité pour me préserver physiquement. Depuis (…), je me fis remarquer dans le bon sens pour quelques-uns et dans le sens contraire pour d'autres."

ASCENSION DU "ROI"

Au milieu des années 1990, M. Eslan change de fonctions et s'engage dans le Syndicat autonome transport (SAT), qui connaîtra divers avatars débouchant sur la création de l'UNSA-commercial. M. Eslan est un militant-né : charismatique, fort en gueule, doué pour le commandement. "Il a développé sa section syndicale en démarrant de rien pour devenir premier dans un périmètre où la CGT était majoritaire", relate Thierry Babec, secrétaire général de l'UNSA-RATP. Son ascension a débuté peu de temps après les grandes grèves de 1995. "Ça tombait à pic pour la direction, qui ne voulait plus revivre de mobilisation aussi forte", observe Mourad Ghazli, ex-responsable de l'UNSA-commercial, aujourd'hui très critique à l'encontre de M. Eslan.

Aux élections professionnelles de 2006, le "roi" marche sur l'eau : son organisation recueille plus de 40 % des suffrages chez les personnels non roulants du métro. Mais le climat s'envenime au sein de l'UNSA-RATP, constellation de syndicats qui n'entretiennent pas toujours de bons rapports entre eux. Début 2011, l'UNSA-commercial est désaffiliée de sa "maison mère". On lui reproche officiellement d'abriter des activités politiques en liaison avec des personnalités de l'UMP et d'avoir voulu s'étendre à de nouvelles catégories de personnel sans en parler aux autres franges de l'UNSA-RATP. C'est la débandade : une partie des troupes de M. Eslan rejoint l'UNSA-RATP. Le "roi", lui, abandonne ses responsabilités syndicales mais se fait élire dans l'un des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'entreprise.

Aujourd'hui, une poignée d'hommes et de femmes se confient aux journalistes. Sous le sceau de l'anonymat, ils décrivent les intimidations, les insultes, les paroles graveleuses, la peur des représailles, la plongée dans la dépression. Des témoignages délicats à manier car les éléments de preuves ne sont pas toujours réunis. La direction de la RATP, elle, fait remarquer que les faits rapportés dans le courrier anonyme n'ont pas été établis par l'enquête interne conduite durant l'été.

Néanmoins, plusieurs épisodes montrent que les choses ne tournent pas rond dans l'entreprise. En septembre 2006, un membre de l'UNSA-commercial est condamné à quatre mois de prison avec sursis pour agression sexuelle contre une salariée de la RATP (peine alourdie en appel et confirmée en cassation). Quelques mois plus tard, il est élu au comité d'établissement métro – avant d'être finalement licencié. A la mi-2007, un militant de la CGT se fait menacer par trois lieutenants de M. Eslan lors d'une réunion syndicale. Il signale les faits à la police et à M. Mongin, qui lui répond en indiquant qu'une enquête sera conduite. Depuis, plus rien, selon le syndicaliste.

METTRE FIN À CERTAINES PRATIQUES

En mars 2008, Eric Nabet, à l'époque secrétaire général de la CGT-métro-RER, écrit à un responsable des ressources humaines pour qu'il mette fin à certaines pratiques dans les "commissions de classement", chargées du déroulement de carrière des agents. Dans ces instances, déplore M. Nabet, des représentants du personnel jouent un rôle contraire aux règles, car on leur laisse la possibilité d'inscrire des noms dans les "tableaux d'avancement". Cela "risque de favoriser la subjectivité, la tentation de faire passer les siens, voire les marchandages", estime M. Nabet. L'UNSA-commercial n'est pas nommée, mais c'est elle qui est implicitement visée. FO-RATP réseau ferré fustigera, elle aussi, dans des tracts ces "deals" entre l'organisation de M. Eslan et la direction.

En 2009, une salariée, passée de l'UNSA à FO, porte plainte dans un commissariat de Seine-Saint-Denis contre deux représentants de l'UNSA qui l'ont menacée. Au policier, elle déclare : "J'ai peur qu'ils s'en prennent à ma famille car je sais que des plaintes ont déjà été faites contre le syndicat." Début 2011, la RATP est condamnée pour "harcèlement moral" : la victime avait dit être malmenée par sa hiérarchie après avoir dénoncé des agressions commises par un collègue, membre du SAT.

Dernier épisode en date : la mise en ligne, vendredi 9 septembre, sur Marianne2.fr d'images extraites d'une vidéo tournée lors du dixième anniversaire de mariage de M. Eslan. Plusieurs directeurs de ligne de métro, dont le visage a été flouté, apparaissent sur ces documents. "Cela montre qu'il avait des appuis dans la direction", considère Olivier Cots, de SUD-RATP. Il s'agissait d'un événement "privé" auquel étaient conviés "beaucoup de salariés de la RATP, dont certains cadres", objecte la porte-parole de l'entreprise. "C'était un moment de convivialité auquel nous étions invités, ajoute André Gaudin, ancien directeur de ligne de métro aujourd'hui à la retraite. Cela ne signifie en rien qu'il y a compromission." Pour lui, toute cette affaire relève de règlements de comptes à la fois entre syndicats et entre membres de l'UNSA-commercial. Il reconnaît cependant que "certains dirigeants ont sûrement du mal à résister à des personnalités comme M. Eslan". "Le dialogue avec des délégués syndicaux n'est pas toujours facile et certains cadres peuvent parfois être tentés de leur céder pour éviter le conflit, poursuit M. Gaudin. Si M. Eslan a été roi, c'est que quelques-uns l'ont fait roi."

A la fin août, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire après avoir reçu un signalement de la RATP à propos de la lettre anonyme et une plainte de SUD-RATP. L'UNSA-RATP a également préparé une plainte pour "harcèlement moral" au nom et pour le compte d'une salariée. Autant d'actions en justice qui permettront peut-être d'y voir plus clair dans ce cloaque.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/09/12/les-dessous-pas-chics-de-la-ratp_1570910_3224.html#xtor=AL-32280184

beurk cestachier

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