Bonjour, 
 
    Nous sommes de plus en plus nombreux à nous poser  des questions quant au devenir syndical de SUD. 
 
    Loin de représenter les idéaux de lutte qui nous ont  poussé à adhérer au modèle SUD, nous constatons amèrement qu'au fil des  derniers mois, il apparaît en notre sein des dérives bureaucratiques  douteuses et dangereuses. 
 
    Ci dessous le texte d'un camarade de SUD Rail de la  région PACA, Sébastien JO., qui vient de démissionner de toutes ses  responsabilités syndicales au sein de la Fédération. 
 
    "En préalable, je tiens à préciser que mon propos n"est pas de dénigrer le travail très   pointu que font certains camarades, chose nécessaire pour la maîtrise de dossiers la plupart   du temps relativement complexes, mais plutôt d"ouvrir le débat sur l"opportunité de   notre participation à toutes ces commissions, tables rondes, réunions et pseudo-négociations   que la direction de l"entreprise organisent. Ayant assumé quelques responsabilités   syndicales, je sais que la tâche est ardue, et plus d"un écueil guettent ceux qui choisissent   le chemin de la lutte. C"est pourquoi, plutôt que de polémiquer, cette petite réflexion est   une question posée directement à tous celles et ceux qui participent à la vie de notre organisation   syndicale dans le but d"un débat constructif. 
 
    Depuis les dernières élections, notre participation quasi-systématique à toutes les   commissions et autres tables rondes au sein de notre entreprise m"interroge sur l"utilité et   le sens de ma contribution. En effet, je pense que vouloir tout régler avec des commissions   ci, table ronde là, révèle d"une conception totalement étriquée des problèmes sociaux.   De même que le pouvoir joue sur l"atomisation du corps social, les "partenaires sociaux"   avec les commissions, montrent leur conception décousue de l"action syndicale. 
 
    Aujourd'hui, dans notre entreprise nous avons des commissions pour tout : la politique de   l"emploi, les salaires, la stratégie d"entreprise, la mobilité, les conditions de travail,   l"amiante, le stress, la formation, l"égalité homme-femme, les retraites, le pouvoir   d"achat…. comme si tout cela n"était pas lié et ne devait pas former un seul et même sujet :   celui de la condition du salariat. 
 
    Certains diront que sans notre participation à toutes ces commissions, nous n"avons aucunes   informations et perdons toute crédibilité auprès des cheminots.   A ceux-là, je répondrais qu"en faisant le distinguo entre ceux qui participent aux réunions   au plus haut niveau du pouvoir et les autres, leur vision relève d"une conception hiérarchique   de l"entreprise et de la société. De plus, derrière l"apparence de "scientificité" en prétendant   suivre l"avis de pseudo-experts dont les conclusions sont la plupart du temps données   à l"avance dans les attendus de leurs missions, toutes ces commissions ne servent   qu"à masquer la cohérence de l"ensemble d"une idéologie non avouable tout en relevant   d"une conception managériale et technicienne du pouvoir. Cette idéologie non avouable   est celle de la domination et de l"exploitation. La conception managériale et technicienne   du pouvoir quand à elle, est une idéologie destinée à exclure la dimension humaniste,   donc à masquer à la base comme aux dirigeants eux-mêmes ce qui, dans l"existence collective,   ne peut se réduire à une problématique technique. La cohérence du système à   l"oeuvre dans notre entreprise, mais aussi dans la société, au travers de la multiplication   des commissions, est donc bien celle de la domination, de l"exploitation et de la négation   de la part d"humanité présente en chacun de nous.   La participation de syndicalistes à ces mascarades, cautionne, banalise et contribue à   édifier ce système. Le plus troublant est que celles et ceux qui acceptent de travailler dans   les commissions sont pour la plupart de bonne foi, mais ont eux-mêmes une conception si   atomisée des problèmes sociaux qu"ils ne se rendent même pas compte de ce à quoi ils   contribuent, tellement il sont imprégnés de l"idéologie gestionnaire au détriment d"une approche   politique. 
 
    Après un tel bilan, force est de constater que la logique d"ensemble du "dialogue social"   aujourd"hui est un échec pour l"ensemble des salariés. Par notre présence à toutes   ces commissions, mais aussi dans les différentes instances aux cotés des syndicats de    
  gestion, nous contribuons à masquer les réels effets de ce système. Il est donc vain de se   demander si telle ou telle mesure, prise isolément, est bonne ou mauvaise. Il faut au contraire   analyser à quelle logique d"ensemble elle participe et la critiquer comme telle. 
 
    Or, l"on peut constater que ce fétichisme des commissions et autres réunions au   sommet se retrouve aussi au niveau interprofessionnel. En regardant les faits avec un peu   de recul, on peut s"apercevoir que la dégradation de la condition des salariés dans notre   pays concorde étrangement avec de nombreuses années de partage du pouvoir quasi   égal entre 2 forces syndicales devenues libérales : la CFDT et la CGT. Non pas que ces   organisations soient responsables de la situation. Mais par leur mode d"action, elles ont   contribué à ce que les salariés ne distinguent plus les faits du sens qui leur est imposé,   brisant ainsi leur capacité d"être libre, de ne pas être enfermés dans l"image, dans le regard   du maître. En effet, là où l"axe vertical de la lutte des classes révèle le rapport de   domination et d"exploitation, ce type de syndicalisme y a peu a peu substitué une axiologie   horizontale, celles des rapports sociaux et des corporatismes. Leur mode d"action consiste   essentiellement à donner la primeur au compromis avec le pouvoir en place via toutes les   commissions, instances, tables rondes et autres mascarades ; cela masque leur renoncement   historique à ce qui fait la grandeur du syndicalisme : le syndicalisme de lutte. 
 
    Mais qu"est ce que le syndicalisme de lutte? 
 
    L"idée syndicaliste répond d"abord, selon moi, à une question fondamentale qui va resurgir   avec autrement plus de virulence qu"elle a été éludée : qu"est ce que l"homme? Le syndicalisme   de lutte conçoit l"homme comme enfant des lumières. Il le promeut, de manière   indifférenciée, au nom de l"égalité, par l"éducation. Il assure, par le combat politique, son   émancipation dans le champ économique et social. Le syndicalisme de lutte est en fait   une immense œuvre d"émancipation politique et philosophique. Il complète à ce titre toute   la démarche entreprise au cours du siècle des lumières, il en est l"incarnation, le foyer vivant.   Le syndicalisme de lutte, c"est donc un idéal, une pensée politique qui se prolonge   dans le mouvement et dans l"action. A travers lui, le salarié s"élève en Homme vers une   réalité supérieure à sa propre singularité. 
 
     ! Aujourd"hui, je suis intimement convaincu que seule une pensée globale révolutionnaire   prenant appui sur des bases solides - la pensée des lumières - réveillera le syndicalisme   pour le relever, et lui donner cette capacité d"incarner à nouveau la grandeur du salariat   français, car seul "le génie de la France est tout entier dans le refus qu"on puisse encore   discipliner les peuples au prix de leur saint abêtissement" (de Diéguez).   Dans le contexte   actuel, il est vital que la France redevienne cette nation porteuse de ce rêve éveillé :   des citoyens égaux, libres et responsables au service d"un dessein supérieur : l"émancipation   des Hommes, de tous les Hommes… Seul le syndicalisme de lutte, fidèle à sa tradition   politique et philosophique, peut relever le défi. Le syndicalisme social-libéral par ses   compromis et compromissions, est mort, lobotomisé puis perfusé intellectuellement par   une pensée néo con"s. Que tous ceux là (les sociaux-libéraux) sachent qu"aucune loi, aucun   pouvoir ne pourra arrêté ce mouvement de fond qui gronde jusque dans leurs rangs. 
 
    Stop aux commissions, tables rondes et autres mascarades ! 
 
    Stop aux compromis pourris ! 
 
    Stop au reculs sociaux ! 
 
    Vive la Vie ! 
 
    Vive le syndicalisme de lutte !"