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SNCF le grand chantier


Invité jackv

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dans le monde de dimanche

Le grand chantier

Engagée depuis une quinzaine d'années dans une mutation qui bouleverse son organisation et sa culture de service public, la société nationale paie les conséquences de décennies de sous- investissements, entre grogne des clients et impératifs de rentabilité

Le Centre national des opérations ferroviaires jouxte la gare de l'Est, à Paris, mais semble à des années-lumière du tumulte des quais. Ce sanctuaire technologique inauguré en juillet 2009 suit jour et nuit le trafic des trains dans toute la France. Les agents SNCF surveillent sur leurs ordinateurs les petites briques de couleur qui avancent du côté de Lille, Lyon, Tarascon ou Melun.

Vert : le train est à l'heure. Orange : il a un léger retard. Rouge : il est à la traîne ou en carafe. Dans ces rectangles s'incarnent des milliers de tranches de vie. Le code couleur qu'ignorent ces voyageurs guidera pourtant leur humeur. Vert : ils ne trouveront là rien que de normal. Orange : ils s'agaceront de ce tortillard qui lambine. Rouge : ils pesteront contre l'incurie collective de la SNCF.

Ce matin-là, les agents d'astreinte ont les traits tirés, au sortir d'une sale nuit. Un sanglier de 150 kg a défié mal à propos un TGV vers Angers, un train de fret a déraillé du côté d'Orléans, un accident de personne - lire un suicide -, est survenu dans le nord de la France. Dans la salle de crise mitoyenne, il a fallu parer au plus pressé. Les contrôleurs du centre recevaient en direct les " notes d'ambiance " que leur faisaient parvenir leurs collègues depuis les trains bloqués, plus incisives à mesure que se prolongeait l'attente.

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Le Centre national des opérations ferroviaires jouxte la gare de l'Est, à Paris, mais semble à des années-lumière du tumulte des quais. Ce sanctuaire technologique inauguré en juillet 2009 suit jour et nuit le trafic des trains dans toute la France. Les agents SNCF surveillent sur leurs ordinateurs les petites briques de couleur qui avancent du côté de Lille, Lyon, Tarascon ou Melun.

Vert : le train est à l'heure. Orange : il a un léger retard. Rouge : il est à la traîne ou en carafe. Dans ces rectangles s'incarnent des milliers de tranches de vie. Le code couleur qu'ignorent ces voyageurs guidera pourtant leur humeur. Vert : ils ne trouveront là rien que de normal. Orange : ils s'agaceront de ce tortillard qui lambine. Rouge : ils pesteront contre l'incurie collective de la SNCF.

Ce matin-là, les agents d'astreinte ont les traits tirés, au sortir d'une sale nuit. Un sanglier de 150 kg a défié mal à propos un TGV vers Angers, un train de fret a déraillé du côté d'Orléans, un accident de personne - lire un suicide -, est survenu dans le nord de la France. Dans la salle de crise mitoyenne, il a fallu parer au plus pressé. Les contrôleurs du centre recevaient en direct les " notes d'ambiance " que leur faisaient parvenir leurs collègues depuis les trains bloqués, plus incisives à mesure que se prolongeait l'attente.

Les frustrations contre la SNCF ne sont pas nouvelles. Dans le décor ultramoderne de la salle de commande revient en mémoire cette scène en noir et blanc des Vacances de M. Hulot où les familles désemparées courent d'un quai à l'autre, tandis qu'un haut-parleur crachote un message inintelligible. C'était encore le temps où les trains charriaient des " congés payés " indulgents, tout à leur joie de voir la mer.

Aujourd'hui, le stress quotidien, la nécessité vitale de communiquer, de se déplacer, l'éloignement progressif des lieux de travail et d'habitation, par choix ou par obligation, ont modifié le rapport au chemin de fer. Le train circule désormais dans un univers d'impatience. " Le niveau d'exigence augmente parce que le coût du temps augmente, parce que le besoin d'information augmente, parce que l'immédiateté s'est installée dans notre vie quotidienne ", constate Jean-Claude Larrieu, directeur des opérations à la SNCF et responsable du Centre national.

Hiatus : alors que l'exigence croît jusqu'à l'intolérance, la régularité, elle, se dégrade dans les statistiques. 10 %, 20 %, 30 % de trains en retard ? Difficile à dire. Le mode de calcul obéit à une arithmétique complexe qui vire parfois aux comptes d'apothicaire. Les chiffres de la direction diffèrent du sondage récemment effectué par les contrôleurs de la CFDT ou des comptabilités agacées tenues par les associations de voyageurs.

Et puis il y a le simple ressenti des passagers ou les saillies de l'actualité. Les médias, c'est bien connu, ne parlent que des trains qui n'arrivent pas à l'heure. L'épopée du Strasbourg-Port-Bou, en décembre 2010, les récits épisodiques de " naufragés " du TGV ou de l'Eurostar, la complainte quotidienne des galériens du RER D en Ile-de-France ou des TER en région, les grèves des titres de transport lancées par des abonnés excédés, ont porté un éclairage cru sur la qualité du service.

Mais les vilenies de la presse, l'inconséquence des sangliers ou l'irascibilité des voyageurs ne sauraient tout expliquer. Quelque chose semble se détraquer dans le chemin de fer, naguère fierté française. Didier Gaudefroy ne peut que le constater. Il a débuté à la SNCF, en 1973, dans un atelier de maintenance des wagons près de Toulouse, et a fini sa carrière comme conducteur. A l'entendre, l'organisation mais aussi l'état d'esprit se seraient dégradés dans l'entreprise. " "Cheminot", c'était un mot qui recouvrait de grandes valeurs, se souvient ce militant de la CGT. C'était une corporation avec une histoire. On cultivait l'esprit du service public, la règle des horaires, le respect de la sécurité. Quand j'ai débuté, supprimer un train provoquait un drôle de ramdam. A la fin, c'était devenu normal. " Il a son explication, qui vaut ce qu'elle vaut : " Entre-temps, on s'est lancé dans une course effrénée à la rentabilité. "

Entré en 1972 dans la maison, Michel Calvès se souvient de la force de frappe dont disposait alors la SNCF. " En cas de carence d'un mécanicien, il y en avait toujours un de disponible en réserve. Alors évidemment, on peut dire aujourd'hui qu'il était payé à ne rien faire. Mais, en cas de pépin, cela permettait d'assurer l'acheminement des gens. Récemment, un wagon de banlieue a circulé pendant deux semaines avec la porte avant bloquée. Autrefois, elle aurait été réparée dans les 48 heures. " Nostalgie d'ancien, sans aucun doute, mais aussi sentiment d'un monde perdu. " On faisait du chemin de fer, poursuit le retraité. On avait le sentiment d'irriguer le territoire et de servir la population. C'était le même prix au kilomètre pour aller à Calais ou à Marseille. "

La SNCF est née de cette idée-là, en 1938, quand les compagnies privées croulant sous les pertes ont été nationalisées et leurs 500 000 employés (contre 155 000 aujourd'hui) regroupés dans une seule entité. " A l'époque, on avait mesuré le service rendu à la collectivité et accepté le coût que cela supposait. Chaque commune devait avoir sa gare, comme elle avait son école ou sa poste ", explique Clive Lamming, historien du chemin de fer. On disait " usager " et pas encore " client ". L'Etat assurait les fins de mois. La culture SNCF s'est ainsi construite largement en dehors des contraintes économiques. Les pertes d'exploitation atteignaient 9 milliards de francs en 1995, année de grande grève.

" L'entreprise était dirigée par des polytechniciens, des ingénieurs. On mettait l'accent sur le savoir-faire ", se souvient Alain Guiseris, lui-même sorti de l'école des Ponts. Ce cadre retraité, ancien directeur régional délégué de la région de Chambéry, a connu la dernière locomotive à vapeur, le temps des Michelines puis l'arrivée du TGV. Il a vécu ces avancées technologiques, mais aussi vu peu à peu l'entreprise " succomber à l'air du temps, aux impératifs du management moderne, aux soucis de la gestion financière ".

Signe de ce changement au Centre national des opérations ferroviaires : des pupitres restent vides. Sur l'un d'eux, un facétieux a placardé une affichette : " A louer ". Ces places devraient bientôt accueillir des entreprises privées qui viendront mêler leurs trains à ceux de la SNCF. Déjà entamée dans le fret et étendue progressivement au trafic de voyageurs, l'arrivée programmée de nouveaux acteurs a provoqué

depuis une quinzaine d'années une révolution copernicienne du secteur.

La SNCF a ainsi perdu la mainmise totale en 1997, année de la création de Réseau ferré de France (RFF) qui a récupéré les 30 000 km de lignes. Selon le voeu d'une directive communautaire de 1991, il s'agissait de dissocier la gestion du rail et l'exploitation des trains, afin de permettre une mise en concurrence loyale de la seconde. " L'Europe a poussé fortement à cette réforme dans le cadre de la libéralisation des marchés ", confirme Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). Cet organisme public indépendant, actif depuis le 1er décembre 2010, est notamment chargé de faire respecter l'impartialité économique dans le secteur et de " réviser tout ce qui pourrait favoriser l'opérateur historique ", comme l'explique l'ancien élu (UMP).

RFF a hérité du réseau, mais également, par un tour de passe-passe budgétaire, de l'essentiel du passif ferroviaire, soit 21 milliards d'euros, devenant une planque où dissimuler des dettes autant qu'un acteur ferroviaire. Le partage des actifs entre RFF et la SNCF a été en outre très politique. RFF possède les rails, les caténaires, les aiguillages et certains bâtiments, mais les gares sont toujours propriété de la SNCF. Avec des curiosités : les quais transversaux sont à la SNCF, les quais latéraux à RFF...

Autre singularité : RFF est " gestionnaire " du réseau mais, dans le souci de préserver le statut des cheminots, la SNCF est " gestionnaire déléguée " et assure la maintenance avec ses équipes. La SNCF acquitte donc des péages à RFF pour faire circuler les trains, péages que RFF reverse largement à la SNCF, qui réalise les travaux. " C'est du poche gauche, poche droite. On a extériorisé des flux qui étaient jusque-là internes ", constate David Azéma, directeur général délégué stratégie et finances de la SNCF.

La société nationale a été de son côté morcelée en cinq branches dotées d'une autonomie grandissante : SNCF voyages (grandes lignes) ; SNCF proximités (trains de banlieue, TER) ; SNCF fret (marchandises) ; SNCF infra (maintenance et organisation de la circulation) ; SNCF gares et connexions. " Ce sont des marchés radicalement différents, avec des contraintes différentes ", justifie David Azéma. Mais chacune de ces entités " doit viser à l'équilibre économique ", comme l'a rappelé la lettre de mission envoyée par Nicolas Sarkozy en février au président de la SNCF, Guillaume Pepy.

Sommée par son actionnaire, l'Etat, tout à la fois de " trouver les moyens de sa rentabilité " et de " développer les qualités de service ", dixit la missive élyséenne, la société nationale s'est lancée dans une réduction des coûts et des effectifs. Selon la CGT, en 2011, 1 850 nouvelles suppressions de postes sont prévues, s'ajoutant aux 22 000 réalisées depuis 2002. D'ici à 2015, 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires sont planifiés. Sur fond de bisbilles entre syndicats, le climat social a donc viré à l'aigre.

Retour gare de l'Est. Même lieu, autre ambiance. Ce jour-là, le syndicat SUD-Rail organise une manifestation de soutien à un collègue sanctionné. Loin des grèves sauvages ou des cortèges massifs, c'est là un de ces soubresauts qui émaillent le quotidien de la maison. Un tract distribué par les agents de maîtrise dénonce des " réorganisations compulsives de la SNCF, assorties de suppressions de postes et de mobilités forcées, qui s'empilent sans trêve ". " On a embauché à la direction des commerciaux, des gens qui n'étaient plus cheminots dans l'esprit. Le but est clair : on veut privatiser la SNCF ", assure Pierre Lespagnol, retraité, qui traîne sa barbe blanche au milieu des manifestants.

Peu amène envers les syndicats, regrettant " l'absence de limite dans les rapports de force ", Alain Guiseris, l'ancien directeur de Chambéry, s'inquiète pourtant à l'unisson de " la désintégration de l'entreprise " qu'il voit à l'oeuvre. " On fixe des objectifs financiers, et on dit : la technique suivra. Mais elle ne suit plus. " L'ingénieur constate avec inquiétude " une dévalorisation de l'outil ", jette notamment un regard cru sur l'état du réseau, où " l'entretien est soumis à une très forte contrainte ".

De fait, plombé par la dette déposée au pied de son berceau, dont les intérêts lui coûtent encore 900 millions d'euros par an pour un chiffre d'affaires de 6,5 milliards, RFF a rogné en priorité sur les travaux. " Il y a eu une longue période de vacance. Le réseau entrait en décadence, avec au bout la mort assurée ", résume sans fard Hubert du Mesnil, président de RFF depuis 2007. De 1 000 en 1997, le kilométrage de lignes rénovées chaque année était tombé à 400 en 2005. Encore s'agissait-il largement de rafistolage. Les voies les moins utilisées - 30 % des lignes drainent 78 % du trafic, et 46 % n'en réalisent que 6 % - ont été quasiment laissées à l'abandon. En 2005, l'Ecole polytechnique de Lausanne publiait un rapport alarmant : la moitié du réseau français était considéré comme en mauvais état.

" Cette tendance a commencé avant la création de RFF, au début des années 1990, reconnaît Pierre Izard, directeur général de SNCF infra. En raison du poids des dettes, on a accumulé vingt ans de sous-investissement dans le renouvellement du réseau. " Sur les tronçons mal entretenus, les trains devaient et doivent encore circuler au ralenti, ce qui rend leurs horaires largement théoriques. Un quart des retards sont aujourd'hui imputables à des défaillances du réseau, qu'elles soient dues aux voies, aux aiguillages ou aux caténaires. Le reste incombe au matériel roulant ou à des causes externes (malveillance ou accident de voyageur, intempéries ou plus récemment vols de câble, qui se répandent comme une gangrène).

Des chantiers ont donc été ouverts en urgence un peu partout : 500 gros oeuvres sont prévus, rien qu'en 2011. A Dax, un énorme train spécialisé long de 600 mètres remplace, à raison de 1,5 km par jour, près de 50 km de traverses et de ballast qui étaient en place depuis 1953. A Lyon, dans la gare Jean-Macé, a été inauguré, en juin 2010, un centre de commande centralisée des aiguillages pour l'ensemble du réseau Rhône-Alpes. 250 millions d'euros ont été investis afin de raccorder électroniquement aux ordinateurs centraux des mécanismes qui, pour certains, étaient encore manuels. Luc Husson, le chef du projet, a démarré, en 1973, dans une petite gare de la Meuse. " Le métier a bien changé, dit-il. Nous ressemblons de plus en plus aux aiguilleurs du ciel. "

Ces efforts ont permis de revenir à 1 000 km de rénovation annuelle, mais non de rattraper les retards accumulés. " Nous avons, hélas !, quelques années encore à souffrir ", reconnaît Pierre Cardo (ARAF). D'autant que les chantiers dégradent la régularité, en obligeant les trains à circuler à petite vitesse. " Un TGV qui part de Paris et doit limiter sa vitesse à 160 km/h arrivera avec une demi-heure de retard à Lyon ", calcule Bruno Flourens, directeur régional de RFF pour la région Rhône-Alpes-Auvergne. Un mal pour un bien pas simple à faire comprendre aux voyageurs.

Pour financer ces rénovations, RFF a dû emprunter un peu plus, et son ardoise approche désormais les 28 milliards d'euros. " Je ne peux assurer que nous sommes en mesure d'assumer un début de désendettement ", admet Hubert du Mesnil.

Confronté à cette dette et au désengagement de l'Etat, budget après budget, RFF se rattrape sur les péages. Ils constituent aujourd'hui 60 % de la ressource, contre 40 % d'aide publique. La proportion était inverse il y a dix ans. " La tendance est inéluctable : il n'y a pas d'autre solution que de faire payer le voyageur ", assure le président de RFF. Les péages ont augmenté de 75 % en cinq ans, et grimperont encore de 11 % en 2011, se plaint la SNCF, contributeur essentiel. Ils constituent désormais 35 % du prix d'un billet de TGV, et contribuent pour partie, à l'envolée des tarifs.

Pour partie seulement, estime Marie-Laure Decréton, agent au guichet des grandes lignes. Cette militante de SUD-Rail est entrée à la SNCF en 2000, et gagne 1 400 euros net par mois. Derrière la vitre, le métier a bien changé, dit-elle, jusqu'à devenir purement commercial. " La direction fixe aussi des objectifs de vente : tant de cartes senior, tel pourcentage de première classe. " Les agents les plus méritants, ceux qui remplissent les objectifs, touchent des primes individuelles qui arrondissent les fins de mois.

La jeune femme dénonce les nouvelles pratiques de marketing. Pour une même destination, jusqu'à huit tarifs différents peuvent s'afficher sur son écran. " Les usagers n'y comprennent plus rien. Sur un Paris-Lyon, il peut y avoir trente euros d'écart. Les prix varient en temps réel. Les gens ne savent pas pourquoi un jour un billet vaut tant et la semaine suivante presque le double. " Interrogée par les voyageurs, la jeune femme évacue d'un lapidaire : " C'est la loi de l'offre et de la demande. "

L'employée a travaillé à Neuilly-sur-Seine, à la Défense puis à Rueil-Malmaison, des zones bourgeoises peu acquises à la cause de son syndicat. " Auparavant, les gens nous disaient : vivement que vous soyez privatisés. Ils pensaient que les billets seraient moins chers et le service meilleur. Aujourd'hui, ils constatent que les objectifs de rentabilité renchérissent au contraire les prix et diminuent la qualité du service. "

Les syndicats ne sont pas les seuls à oser cette critique radicale. Présidents de la SNCF et de RFF en tête, la plupart des acteurs s'accordent à penser que le modèle actuel ne fonctionne pas. " C'est un système tarabiscoté, reconnaît également Jean Arthuis, sénateur (UC) de la Mayenne, qui était ministre des finances entre 1995 et 1997, au moment de la création de RFF. L'organisation du management est faite pour qu'on n'ait pas une vision globale. C'est un mode de gestion interne d'une lourdeur incroyable, qui s'ajoute à des résistances syndicales très fortes sur les 35 heures et la retraite à 50 ans. Au total, nous sommes dans le déni de réalité. " Bernard Soulage, secrétaire national (PS) chargé des transports, dénonce également " l'absence d'un modèle de gestion clair du système ferroviaire ".

L'organisation, " l'usine à gaz " dénoncée par plusieurs interlocuteurs, vise largement à masquer le fait que le chemin de fer ne peut toujours pas se passer d'aides publiques. Sous diverses formes, parfois anecdotiques comme les 180 millions versés par le ministère de la défense en compensation des réductions accordées aux militaires, l'Etat et les collectivités publiques investissent chaque année près de 9 milliards d'euros dans le chemin de fer. Sans compter les 3,2 milliards versés annuellement dans le gouffre de la caisse de retraite des cheminots. Malgré les mesures d'économies, la course à l'équilibre économique, la SNCF accumulé une dette de 9 milliards.

" En Europe, il n'y a pas de modèle autosuffisant. Il y a toujours une intervention de la puissance publique ", plaide Pierre Izard (SNCF infra). La remarque vaut également au Japon ou aux Etats-Unis. " L'Angleterre a été un laboratoire du libéralisme. Ils ont montré ce qu'il ne fallait pas faire. Ils en sont d'ailleurs revenus, et l'Etat a réinvesti massivement ", assure le Franco-Britannique Clive Lamming. Paradoxalement, le système français est aujourd'hui un des moins subventionnés au monde, loin derrière celui de la Suisse par exemple.

Le choix devient dès lors politique. Faut-il supprimer les 11 000 km de voies qui accueillent moins de vingt trains par jour, ou les 36 % de TGV qui roulent à perte ? Les usagers des gares de Gourdon ou de Souillac (Lot), qui manifestent en travers des voies pour obtenir plus de trains, sont-ils prêts à en payer le surcoût ? Schizophrénie classique de l'usager et du contribuable.

Clive Lamming résume de manière lapidaire la donne du chemin de fer : " Le train a beaucoup de qualités, énergétique, écologique, social, et un défaut : ça perd du fric. " C'est à prendre ou à laisser.

Benoît Hopquin

RER, TER ou TGV, il faut choisir

DANS LE POSTE d'aiguillage de Mitry (Seine-et-Marne), à l'extrémité de la ligne B du RER, les téléphones sont en Bakélite, les tables en Formica, et une partie des aiguillages sont manuels. Le lieu est resté dans son jus depuis les années 1960, quand les trains de banlieue circulaient encore, avant l'arrivée du RER en 1977. " Il y a même du matériel des années 1930 ", remarque Sylvain, 25 ans, un des aiguilleurs.

Cette partie nord de la ligne, que gère la SNCF tandis que le sud incombe à la RATP, accueille pourtant 300 000 voyageurs par jour, soit presque autant que l'ensemble des lignes TGV de France. " Le trafic a augmenté de 35 % en dix ans ", estime Dominique Lefrère, directeur d'opérations délégué à la SNCF. Vétusté du matériel, explosion du nombre d'usagers, le cocktail a fait de la ligne B une des plus chaotiques d'Ile-de-France.

Depuis 2008, RFF, propriétaire du réseau, a entrepris un vaste chantier de rénovation. " Il a fallu faire les travaux tout en maintenant la circulation ", explique Céline Pierre, chargée du projet à RFF. Ajout d'une voie, rehaussement et rénovation des quais, création d'un centre d'aiguillage ultramoderne dont les tables et chaises sont encore sous leurs protections plastiques : au total, 250 millions d'euros sont investis qui s'ajoutent aux sommes engagées dans la rénovation des wagons.

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DANS LE POSTE d'aiguillage de Mitry (Seine-et-Marne), à l'extrémité de la ligne B du RER, les téléphones sont en Bakélite, les tables en Formica, et une partie des aiguillages sont manuels. Le lieu est resté dans son jus depuis les années 1960, quand les trains de banlieue circulaient encore, avant l'arrivée du RER en 1977. " Il y a même du matériel des années 1930 ", remarque Sylvain, 25 ans, un des aiguilleurs.

Cette partie nord de la ligne, que gère la SNCF tandis que le sud incombe à la RATP, accueille pourtant 300 000 voyageurs par jour, soit presque autant que l'ensemble des lignes TGV de France. " Le trafic a augmenté de 35 % en dix ans ", estime Dominique Lefrère, directeur d'opérations délégué à la SNCF. Vétusté du matériel, explosion du nombre d'usagers, le cocktail a fait de la ligne B une des plus chaotiques d'Ile-de-France.

Depuis 2008, RFF, propriétaire du réseau, a entrepris un vaste chantier de rénovation. " Il a fallu faire les travaux tout en maintenant la circulation ", explique Céline Pierre, chargée du projet à RFF. Ajout d'une voie, rehaussement et rénovation des quais, création d'un centre d'aiguillage ultramoderne dont les tables et chaises sont encore sous leurs protections plastiques : au total, 250 millions d'euros sont investis qui s'ajoutent aux sommes engagées dans la rénovation des wagons.

L'effort est important, mais n'est rien en comparaison des 38 milliards d'euros qui seront investis d'ici à 2020 dans 2 000 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), en vertu des décisions prises lors du Grenelle de l'environnement. Les recettes que RFF tire des péages sur les trains de la banlieue parisienne ou les TER régionaux atteignent pourtant le double de ce que rapportent les péages du TGV. De quoi renforcer le sentiment des usagers de proximité qu'ils sont sacrifiés à la grande vitesse.

De la Cour des comptes, dans un rapport de 2008, au président de la SNCF, Guillaume Pepy, dans un entretien publié dans Le Monde le 26 mars, de plus en plus de voix s'interrogent d'ailleurs sur la priorité qui est ainsi donnée à un investissement de prestige et questionnent sa viabilité. Même en partie financées sous forme de concessions privées, les LGV risquent d'endetter le système ferroviaire, comme l'avait fait le TGV il y a vingt ans.

B. H.

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Invité necroshine

L'article est interessant,

mais ils melangent des 9 milliards d'euros de dette de l'EPIC SNCF, ainsi que les 3 milliards de compensation pour le régime de retraites....

Les 9 milliards sont dus aux au fonctionnement normal de l'entreprise (années deficitaires, mais aussi la grande politique d'acquisition lancée par GPepy),

auxquels ils ne faut pas oublier, le plan de relance imposé a la SNCF par le gouvernement français....

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