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9 novembre 2014 : 25ème anniversaire de la chute du Mur Probstzella


PN407

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Probstzella (à haute voix, respirer entre t et z, à prononcer tz :-), Thüringe

Gare frontière à l'époque de la RDA en venant du sud (Münich et Nuremberg) vers le nord (Leipzig et Berlin).

Vue 1 La seule trace visible trouvée dans la gare fin 2013 : un élément de la clôture qui isolait les quais et voies 1 et 2 (à gauche) du reste de la gare.

Quelques vues des installations de l'époque (sites-sources : villes de Ludwigsstadt et Kleinneudorf, Drehscheibe online, Nachkriegsmuseen)

2 Frontière vue du dernier point accessible à l'Ouest

3 Vue générale des installations 1981 (seule vue de l'époque de la DDR, photos interdites dans la zone frontière) : les 2 voies du fond sont les voies "internationales", reste de la gare caché aux yeux espions par les palissades. Dans l'idéologie de la RDA, le Mur était un mur de protection contre les impérialistes et les fascistes, qui visaient l'envahissement de l'Etat Socialiste des Ouvriers et des Paysans de langue allemande.

Le rez de chaussée du grand bâtiment blanc était le lieu du contrôle des passeports : une salle d'attente à chaque bout. Entre les deux portes d'accueil, un couloir longeant les 12 fenêtres, avec une rangée de guichets. De mémoire, le circuit des voyageurs souhaitant pénétrer en RDA (hors trains de transit entre Allemagne de l'Ouest et Berlin Ouest) était : descente de tous les voyageurs du train, entrée dans l'une des salles d'attente. Passage au premier guichet libre pour vérifier présence des documents (passeport, visa, carnet d'hôtels de séjour) et prise de photo de l'espion potentiel, attente dans l'autre salle. Pendant ce temps, portes des deux salles fermées, visite poussée du train par les gardes-frontières et leurs chiens. A la fin, réouverture de la porte de sortie, retour à sa place dans le train, demande d'ouverture des valises "suspectes".

4 Vue après réunification du bâtiment des contrôles

5 Vue des palissades séparant voies 2 et 3 (continues du temps de la RDA)

6 Guichet (reproduction, musée installé dans la gare)

Une pensée pour mon amie Birgit et sa sœur Jutta. Cette dernière à l'époque effondrée comme le mur, elle avait cru qu'après les années de nazisme et la guerre, un Etat appartenant réellement au peuple, ouvriers et paysans, allait être créé sur le sol allemand, et voilà qu'arrivaient ceux de l'ouest, jetant avec mépris leurs D marks à la g... des "Ossies" et venus pour transformer en prostituées leurs adolescentes aveuglées par l'argent facile (à ma connaissance, l'expérience a montré que non en ce qui concerne sa fille). Birgit, heureuse de voir enfin la chute de "ce pays de m..." (affirmation réservée aux promenades sans témoin dans les parcs, je ne l'ai jamais entendu dire "mon pays"). Son premier voyage à L'ouest via Probstzella, vers Nuremberg, pour acheter avec les 100DM donnés par l'Ouest (Begrüssunggeld, "argent d'accueil") le premier cadeau de Noël "occidental" de son fils : une paire de bonnes chaussures solides. Rien ramené pour elle-même : "tout bien trop cher".

Ensuite, ouverture avec son second mari (de l'Est comme elle) d'un bureau d'études de rénovation de monuments historiques, avec l'argent de l'Ouest. Jamais manqué de travail (après monuments et bâtiments publics sur fonds publics, réhab d'immeubles anciens pour installation de galeries commerciales sur fonds privés).

A part la propagande, la STASI et la surveillance de chacun par chacun, la RDA n'a jamais tué Luther et le protestantisme (le président Gauck était pasteur à l'Est, et la chancelière Merkel fille de pasteur), Goethe et la littérature, Jean-Sébastien Bach et la musique. Sans oublier l'institut Friedrich List à Dresde pour les ferrovipathes professionnels. On pouvait passer agréablement le temps sans faire prendre de risques aux amis, en se doutant bien que dans tout groupe, il pouvait y avoir au moins un surveillant des fait et gestes de "l'étranger de l'ouest", et surtout des "locaux" fraternisant avec lui.

Cela dit, aucun regret de l'époque, mais ce souvenir toujours présent du sentiment de pouvoir, soi, traverser le Mur, en laissant du côté Est les amis après le dernier au-revoir...jusqu'au jour où...ils ont pu enfin passer derrière le mur, et le démolir :-)

Probstzella 1.wmv

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Probstzella 2013 : un petit aller-retour vers le sud (ancienne frontière RDA RFA) à l'extérieur de la gare.

Le bâtiment des contrôles a été remplacé par ...un super-marché. Avant d'y entrer, à droite, petite boutique illustrant la conversion locale à la libre entreprise :-), avec deux charmantes dames d'un "certain âge", garantissant qu'elles ont connu "avant", gérant une boulangerie-charcuterie et deux ou trois tables pour pallier l'absence de café-bar.

La destruction du bâtiment des contrôles a attendu longtemps : certains auraient voulu que le Musée de la Frontière local s'y installe, d'autres n'en voulaient pas (dont le Lieutenant Colonel Zappe, dont on verra plus loin la photo, commandant le détachement local des garde-frontières en 1984 : "nous n'avons pas besoin d'un musée"), d'autres ont trouvé le coût de rénovation, d'adaptation et d'exploitation insupportable pour une petite ville qui a bien sûr perdu toute l'activité liée à l'ancienne frontière. Finalement le petit musée consiste en 5 pièces aménagées dans l'ex BV, et tenues par des bénévoles, ... tant qu'il y en aura sur ce sujet.

Depuis le pont vers le sud, on peut voir la trace du "mur" sur la colline (partie encore déboisée où se trouvait le chemin de ronde des gardes frontières et de leurs chiens, avec miradors rapprochés, et les engins explosifs visant à "protéger la RDA" (version officielle) / décourager les fugitifs éventuels vers la RFA et la liberté (version des "impérialistes et de leurs valets").

Sur la voie ferrée, un dispositif de déraillement se trouvait juste après la courbe vers la droite, visant à empêcher la fuite par vol d'engin moteur. A l'époque, la section frontière vers Ludwigsstadt (RFA, Land de Bavière) était à voie unique, avec seulement quelques trains. L'obstacle était enlevé pour le passage de ces trains. A ma connaissance, personne n'a oublié de l'enlever à temps :-)

Côté RDA, les communications avec la gare côté RFA devaient être limitées au strict texte des dépêches de sécurité. Elles étaient enregistrées et écoutées par les superviseurs. De très nombreux témoignages disent que les agents-circulation côté RDA étaient abreuvés d'insultes par leur collègue de RFA, du type :"voie libre pour train N°, espèce de...."

Maintenant, pas de présence locale sauf besoin, vaste section de ligne télécommandée par la même personne :-)

Probstzella 2.wmv

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  • 2 semaines plus tard...

Probstzella 2013 suite ... et fin de la présente séquence.

Le BV est à gauche des voies vers le sud. Quelques km plus loin commence la rampe de 26/mille et courbes de 300m de rayon, d'où la présence des restes du dépôt et des locs pour renforts Fret.

La gare a été également, depuis la fin du 19e siècle, origine d'une ligne vers l'ouest (Sonnefeld). Cette ville est depuis 1949 le siège du fabricant de trains miniatures Piko, qui arrosait toute l'Europe de l'Est avec ses maquettes de matériels représentant tous les pays, selon la doctrine de monopole d'un seul pays de l'Est dans un type de production donné (ici, trains miniatures). L'entreprise était à sa création en 1949 une VEB, "Entreprise Propriété du Peuple" selon la terminologie de l'époque (ce qui ne voulait pas dire que ses cadres et ouvriers en étaient actionnaires, mais que c'était l'Etat central qui décidait des productions et des moyens alloués). Elle a été privatisée et rachetée après la réunification, et elle existe toujours, ce qui n'a pas été le cas de beaucoup d'entreprises autres desservies par la ligne.

La ligne vers Sonnefeld se débranchait au nord de la gare de Probstzella, d'où un rebroussement en venant du nord (Leipzig, Saalfeld). En 1961, après la construction du mur, la gare de Probstzella a été spécialisée au trafic de transit avec la République Fédérale (quelques trains). Un raccordement direct a été construit pour assurer le débouché vers le nord de la ligne de Sonnefeld, et une halte a été ouverte pour les dessertes internes à la RDA (au coin sud-ouest du triangle sur la carte). Cette halte est devenue un magasin de boissons. Carte Google, crédits photos finales "derSchlömener" et Christian Jobst.

Quelques derniers mots sur la RDA. J'ai dit précédemment que les honorables informateurs de la Stasi étaient partout (dans chaque famille ? dans chaque groupe d'amis ou collègues ?), mais que les Allemands de l'Est n'ont jamais abandonné le protestantisme (Luther à Wittenberg), la musique (Jean Sébastien Bach à Eisenach et Leipzig) et la littérature (dont Goethe, qui a vécu de très nombreuses années à Weimar). Le chœur de garçons de l'église Saint Thomas de Leipzig (celle dont JSB a été maître de chapelle) a réussi à obtenir le droit de ne porter que son uniforme : il n'a jamais porté celui des Jeunesses Hitlériennes, ni celui des Pionniers. Et le signal de la liberté en RDA a été le déclenchement le lundi 9 octobre de toutes les cloches des églises de Leipzig et la sortie dans les rues de 70 000 personnes portant des cierges et chantant des cantiques : la police et l'armée ont reconnu après la réunification qu'elles s'étaient préparées à tout sauf à çà. Elles ont laissé faire, sans bain de sang ni arrestations ultérieures.

Je terminerai en utilisant Goethe pour illustrer la capacité de dire des choses malgré la censure. Un de ses poèmes les plus célèbres est "ginkgo biloba", offert en 1815 à une de ses amies, de 35ans plus jeune que lui, et avec qui il est resté en échanges poétiques jusqu'à sa mort (à lui). La ville de Weimar est pleine de ginkgo, la feuille de ginkgo est devenue le symbole de l'amitié et de l'amour, et les deux derniers vers du poème sont :

Fühlst du nicht an meinen Liedern

Dass ich Eins und doppelt bin ?

Ne sens-tu pas, à mes chants

que je suis à la fois un et double ? (traduction wikisource)

Réciter ce poème à haute voix entre amis internationaux, où est le mal ? Seuls des esprits pervertis feraient le lien politique avec le partage de l'Allemagne :-)

Le ginkgo apporté directement de Weimar par Birgit lors de son premier voyage d'Allemande libre en France et planté au jardin se porte bien, et ses feuilles sont tellement belles en automne :-)

Probstzella 3.wmv

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