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Une Nouvelle Gare Pour L'eurostar à Londres


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LE MONDE | 14.10.06 | 15h08

C'est un véritable écrin futuriste que Londres offrira à l'Eurostar à partir de l'automne 2007. Le lyrisme du grand voyage est là, sous cette étonnante arche vitrée de l'époque victorienne, peinte en bleu clair d'époque, surplombant la nouvelle gare de Saint Pancras International.

L'édifice, signé Alastair Lansley, est l'un des plus beaux spécimens de l'architecture contemporaine britannique, avec ses structures élégantes et épurées. Ville dans la ville, le nouveau "terminal" pourra accueillir 50 millions de voyageurs par an, presque autant que l'aéroport de Gatwick. Ils y trouveront force commerces et restaurants haut de gamme, avec marbre couleur pêche, fresques et acier. En étages, un palace cinq étoiles et, au sommet, soixante-huit appartements achetés à prix d'or par quelques privilégiés.

"La transformation est phénoménale. C'était un chef-d'oeuvre de l'architecture victorienne, mais l'intérieur ressemblait à une gare allemande des années 1930, sombre et déprimante", souligne un habitué, ébahi devant la mutation. Les voyageurs internationaux ne seront pas les seuls à profiter de l'édifice. C'est également de St Pancras que partiront les lignes à destination des Midlands, de même que les trains de banlieue auxquels le sous-sol est réservé.

Avec l'abandon de la gare de Waterloo, les passagers français ne se verront plus infliger l'affront d'arriver à Londres dans une gare rappelant la défaite des armées napoléoniennes, en 1815. Grâce à la ligne à grande vitesse longue de 109 kilomètres, dont le dernier tronçon est en voie d'achèvement, le temps de trajet entre Londres et Paris sera réduit à 2 h 15. Soit un gain de vingt minutes par rapport à la durée actuelle. L'Eurostar avait déjà gagné vingt minutes avec l'ouverture, en septembre 2003, de la première section de cette connexion rapide entre l'Angleterre et l'Europe. Ce gain de temps supplémentaire est un élément commercial important dans la guerre des prix que le train livre à l'avion, particulièrement aux compagnies à bas tarifs, et aux ferries.

Six voies ferrées grandioses pourront accueillir jusqu'à huit convois gris-jaune par heure. "Nous n'avons pas touché à la structure originelle, mais nous l'avons ouverte à la lumière. Nous avons fait du neuf en conservant le vieux", s'extasie André Leboucher, directeur de la filiale britannique du groupe français Systra, l'un des quatre maîtres d'oeuvre du consortium London & Continental Railways (LCR). Coentreprise entre la SNCF, la RATP et des banques françaises, Systra a été chargé de la conception des systèmes ferroviaires, de l'évaluation du niveau de sécurité et de la supervision de la mise en service de la ligne à grande vitesse.

Admirant la restauration minutieuse de la façade ocre de la vieille St Pancras Station, datant de 1868, notre ingénieur est très fier de la nouvelle desserte unique du TGV transmanche. A juste titre. Lui qui avait participé à la grande aventure du chantier du tunnel sous la Manche a dû, cette fois encore, se bagarrer avec un cahier des charges cauchemardesque.

Situé au coeur d'une zone dense d'habitations, le site ferroviaire était classé. Le gouvernement avait, par exemple, imposé au consortium le maintien du trafic des trains à destination de Sheffield et de Nottingham, l'interdiction de travailler au-delà de 18 h 30 et la limitation des mouvements des camions à l'extérieur.

Vu le casse-tête administratif des expropriations et la vigueur du lobby des riverains, les premiers 20 kilomètres au départ de Londres sont en souterrain, à 40 mètres de profondeur. La construction d'un tunnel long de 3 kilomètres sous la Tamise, ainsi que la porosité du terrain du nord du Kent, nécessitant une kyrielle de ponts, ont fait gonfler la facture de l'ouvrage. A eux seuls, les trente premiers kilomètres ont absorbé les deux tiers du coût, estimé à 3,3 milliards de livres (4,89 milliards d'euros) de la seconde section de la ligne à grande vitesse.

"Le gros de la population de la capitale vit au nord et pas au sud, où est situé actuellement Waterloo International. Par ailleurs, St Pancras est mieux desservie en lignes de métro et en liaisons ferroviaires avec le reste du royaume et l'Ecosse", nous confie Nigel Brown, le directeur général d'Eurostar. Il a inauguré, le 12 septembre, Ebbsfleet international, située à une trentaine de kilomètres au sud-est de Londres, l'une des deux nouvelles gares qui, en dehors de St Pancras, ont dû être construites. L'autre est à Stratford, à l'est de la capitale, site des JO de 2012.

Pour mesurer l'importance de l'effort engagé, il faut se souvenir que le rail britannique est depuis des années dans un état calamiteux. Tirant les leçons de la Berezina que fut la politique de privatisation des trains du gouvernement conservateur précédent, le New Labour de Tony Blair a rejeté le concept de grands travaux entièrement financés par le privé. Pour la ligne TGV, l'équipe Blair a mobilisé une aide directe de 2,5 milliards de livres et a garanti l'émission d'obligations pour 3,75 milliards de livres supplémentaires.

Terminée dans les temps et en respectant le devis, la Channel Tunnel Rail Link est considérée comme la réussite du système, cher aux travaillistes, de partenariat privé-public de financement des infrastructures. Dans ce royaume qui vit naître les chemins de fer, l'orgueil national avait été blessé par le succès du TGV français. L'édification de la dernière gare londonienne, Marylebone, remonte à 1899 !

La prochaine mise en activité de la nouvelle gare devrait permettre de faire place nette dans le quartier chaud de St Pancras, haut lieu de la prostitution. Cette zone aujourd'hui déshéritée, repaire de sex shops, de peep shows et de bars à entraîneuses, devrait connaître une transformation radicale.

Il se trouvera bien quelques rieurs pour faire remarquer que le qualificatif "International" est peut-être un peu présomptueux. Le bon sens aurait voulu qu'on adopte plutôt l'appellation "Europe" pour une gare desservant seulement Bruxelles et Paris. Mais nous sommes en Angleterre...

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