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Le Web des Cheminots

L'argent noir des syndicats


Bandaa Bono

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D'abord l'article "d'aujourd'hui en France" puis l'extrait du bouquin sur la SNCF.

Je viens de le finir il mérite d'être lu

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« Véolia, comme d'autres entreprises, achète la paix sociale »

christophe mongermont l'argent noir des syndicats

Christophe Mongermont est le co-auteur de « L'argent noir des syndicats » qui vient de sortir chez Fayard. Comptable et délégué syndical FO pendant 20 ans à Véolia, à Rennes, le Breton dénonce comment les entreprises achètent les syndicats. Celui qui a obtenu prix le anti-corruption 2006 décerné par le juge Halphen explique : le versement d'argent liquide, pressions, promotions...

Christophe Mongermont, vous venez de sortir un livre « L'argent noir des syndicats ». Argent noir ? Cela veut dire que les syndicats sont loin d'être tous blancs ?

Dire le contraire, c'est faire la politique de l'autruche. Soit on continue la langue de bois et on maintient ce système plein de côtés pervers, soit on réagit ! Ce livre est l'image, à un moment donné, de la société à travers différentes entreprises comme Véolia, SNCF, EDF... Il y a un problème de corruption et des relations ambiguës avec le patronat. Aujourd'hui, les lois ne prévoient pas de condamner ceux qui corrompent mais seulement les corrompus...

Le représentant syndical FO que vous êtes, et avez été chez Véolia à Rennes, a vu quoi pour écrire tout cela ?

Ces cinq ou six dernières années, Véolia a été condamné des dizaines de fois concernant le droit syndical. Ce ne sont pas des on dit mais un constat fait sur des jugements qui ont été rendus. Je vais vous donner des exemples.

En 2004, je suis licencié bien que deux enquêtes contradictoires refusaient mon licenciement. Il a fallu une intervention du ministre pour me renvoyer mais passons... Depuis, Véolia a refusé de payer des heures syndicales faites. Je vous donne un exemple concret, à Rennes, de malhonnêteté économique et sociale puisque le TGI, le 16 mars 2008, a condamné en appel Véolia à me verser 13 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Ce jugement montre qu'on a une situation bizarre, qui favorise les syndicats qui font parties des plus consensuels, alors qu'on a une répression forte pour des syndicats qui tentent de faire respecter les droits du travail. D'un côté l'entreprise m'a surveillé et a refusé de me payer des heures syndicales alors que je n'ai jamais rien eu à me reprocher. Et de l'autre côté, Véolia payait, à l'époque, 27 000 francs par mois depuis 30 ans, une déléguée CGT pour être détachée permanente sans aucun contrôle.

On peut parler des versements en liquide aussi. J'en ai vu, j'en ai vécu. Une fois, je monte à Paris. Je prends mes billets de train pour me les faire rembourser. J'arrive et là, on me propose 1 500 francs en liquide. Ca couvrait nos frais au-delà de ce que l'on avait avancé. Il n'y avait pas de justificatif, rien. Les autres syndicalistes acceptaient tous sans souci. Ils me disaient « Non, c'est bon. Il n'y a pas de problème ». Si les syndicats commencent à baigner là dedans où va-t-on ?

Justement, vous nous parlez des entreprises qui mettent en place des politiques de maîtrise des syndicats, mais il y a aussi des syndicalistes qui se laissent consciemment prendre « au jeu »...

Il y a un gros problème d'indépendance des syndicats en France. Il faudrait ouvrir les débats. Les activités syndicales sont directement financées par les entreprises. Je n'ai pas peur de le dire, Véolia achète la paix sociale ! Pouvez-vous imaginer un instant que Véolia a réussi à réduire le nombre de comités d'entreprises de 54 à 14 sans que cela ne fasse de vagues... Et bien si, alors que dans n'importe quelle société cela aurait ouvert la guerre entre patronat et syndicats. On a même vu des syndicats « amis » invités par Véolia à s'exprimer sur une restructuration. Ils sont venus soutenir le patronat. Le pire, c'est que quand on creuse bien, on se rend compte que les frais d'avocats des ces syndicats ont été payés par Véolia... On se dit qu'il y a plus qu'un malaise !

Est-ce qu'un tel ouvrage ne va pas déstabiliser le monde syndical qui est déjà bien bancal ?

Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on va soigner le malade. On a un système que met en place le patronat et qui pourrit l'activité syndicale. Je me bats pour les centaines, les milliers de représentants qui ont été virés parce qu'ils voulaient défendre le droit du travail. On me pose souvent la question mais non, je ne me tire pas une balle dans le pied. Je fais du tort mais à ceux qui sont malhonnêtes.

Et vous, comment vous faîtes pour tenir avec toutes ces pressions ?

Véolia considère que tout a un prix. Alors au début, on vous valorise pour vous contrôler. Moi, on m'a proposé de très bons postes, très bien payés en me disant « Vous êtes génial, vous êtes très bon, on a besoin de vous ». Comme ils ont vu que cela ne marchait pas, ils sont passés par la répression. En tout, je suis passé par 50 procédures judiciaires. J'en ai gagné 98 %. Les seules perdues, l'ont été sur des problèmes de forme et non de fond. Pour ce livre, ils vont m'attaquer en diffamation, j'en suis sûr.

Combien de fois, ils ont voulu m'acheter pour que je me taise... On m'a proposé un détachement à temps plein et sans limite. En gros, j'aurais touché 4 000 euros par mois à ne rien faire. On y pense mais très vite on se dit que ce n'est pas possible. On ne peut pas les laisser gagner en m'achetant. Il faut arriver à se regarder dans une glace et être heureux. Je ne lâcherai pas. Ils ne s'en sortiront pas !

Comment une société malhonnête dans le droit du travail peut-elle être honnête quelque part ?

Pratique : L'argent noir des syndicats, Auteur : Christophe Mongermont, Jean-Luc Touly, Roger Lenglet,19 euros.

Benjamin KELTZ

Modifié par Bandaa Bono
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Article paru le 18 octobre dernier sur le Point.fr

18/10/2007 - Romain Gubert, avec Séverine Cazes, Catherine Lagrange et Stéphane Siret - © Le Point - N°1831

L’affaire Gautier-Sauvagnac provoque un séisme au Medef comme dans les organisations syndicales. A quoi servent ces millions d’euros retirés en liquide ? La réponse viendra de la justice. Mais, en attendant, cette affaire relance le débat sur l’opacité du financement des syndicats.

Cinq, 10 et maintenant 20 millions d’euros en liquide. Il ne s’agit plus de vulgaires enveloppes de billets. Mais bel et bien de grosses valises... Denis Gautier-Sauvagnac a finalement jeté l’éponge. Il s’est retiré des négociations sociales en cours. Pour préparer sa défense. Et celle de l’UIMM, la principale composante du Medef. Un couvercle a été soulevé. Et cela ne sent pas bon. Ici, la lumière est faite sur le trésor de guerre de l’UIMM, constitué en 1968.

Un fonds anti-grève, nourri depuis trente ans par les « contributions volontaires » de certains patrons, qui pèse aujourd’hui 160 millions d’euros ! Là, c’est le prédécesseur de « DGS » qui prend sa défense et affirme que « les retraits en liquide ont toujours existé »... Et ajoute, avec gourmandise, qu’ « autrefois c’était même beaucoup plus... ». Ailleurs, ce sont les rumeurs. Elles évoquent avec insistance le financement politique et le nom de cinq parlementaires qui, ces dernières années, se sont faits les porte-voix de l’UIMM à l’Assemblée ou au Sénat. Au point même que certains de leurs amendements étaient directement rédigés par des conseillers techniques de l’organisation patronale. Il y aurait aussi cet ancien candidat à l’élection présidentielle de 2002, bénéficiaire des largesses patronales... Simples rumeurs ? Le témoignage d’Yves Bertrand, l’ex-patron des RG, dans un livre paru ces jours-ci (« Je ne sais rien... mais je dirai (presque) tout », Plon), est en tout cas édifiant. Extrait : « Seuls quelques naïfs croient encore que Giscard a pu mener campagne, en 1974, avec les maigres moyens humains des Républicains indépendants : sa logistique, son service d’ordre, ce sont les "petits gars" d’Ordre nouveau qui les ont assurés, grâce aux enveloppes en liquide de l’Union des industries et métiers de la métallurgie, la fameuse UIMM, dont la gauche ne s’est jamais privée de rappeler qu’elle descendait de l’ancien Comité des forges, le bastion des 200 familles... »

DGS continue pourtant à affirmer que cet argent n’a pas servi à financer les politiques. Le 12 octobre, devant plusieurs patrons, la main sur le coeur, il le leur a juré. Et a rappelé ce qu’il dit depuis le début : cet argent servait à « fluidifier les relations sociales »...

Il n’est guère besoin de décryptage pour comprendre ce que veut dire DGS. A le croire, ces valises de billets sont une partie de l’argent noir du paritarisme. L’argument fait mouche. Et pour cause : en matière de finances syndicales, quand on cherche à savoir d’où proviennent les ressources, c’est l’opacité la plus totale. Et ce depuis des décennies.

Dans les syndicats, c’est la colère. DGS est affublé de noms d’oiseaux. Sa défense, ses arguments sont un très sale coup. Rien ne permet de confirmer ses dires, mais ceux-ci jettent en tout cas un coup de projecteur sur un système particulièrement obscur, fait de petits arrangements. Pour ne pas dire plus...

Symbole de l’émoi qui règne dans le monde syndical, cette scène, au Zénith, à Paris, il y a quelques jours. Face à François Chérèque, le patron de la CFDT, 6 000 militants. Tous ont en tête l’affaire DGS. Le silence se fait. Pesant. Devant ses troupes, Chérèque lâche : « Jamais la CFDT n’a touché un centime de cet argent liquide. Jamais... » Le syndicaliste voulait à tout prix rassurer ses troupes. Car chaque jour, depuis la fin du mois de septembre, ses militants, dans leurs entreprises, dans leurs administrations, doivent répondre aux mêmes questions. « Et cet accord avec la direction, pourquoi l’avez-vous signé ? » « Et vos moyens, d’où viennent-ils ? » Eteindre l’incendie...

A l’origine, un problème d’arithmétique. Cela fait des années que les cotisations des adhérents syndicaux ne suffisent plus. Celles-ci ne représentent plus que 20 % des ressources de la CFTC. Un tiers de celles de la CGT et 50 % de celles de la CFDT. Et avec les années, celles-ci diminuent fortement. Les explications sont connues : la faiblesse du taux de syndicalisation en France, qui ne dépasse pas 8 % des salariés (moins de 5 % dans le privé). Et ces chiffres qui en disent long : la CGT comptait 2,3 millions d’adhérents en 1968 et moins de 700 000 l’an passé. Les aides de l’Etat ? Elles ne sont pas si faramineuses que cela. Le ministère du Travail consacre une quarantaine de millions d’euros chaque année à « l’amélioration du dialogue social » par l’intermédiaire de la formation des conseillers prud’homaux et des syndicalistes. Autre aide, celle du Conseil économique et social, qui permet de faire rentrer de l’argent dans les caisses. Les syndicalistes qui en sont membres reversent leurs émoluments à leurs centrales. Mais les sommes ne sont pas extraordinaires. Un demi-million d’euros pour la CFDT. Même chose pour FO ou la CGT. Tout à fait insuffisant pour assurer le train de vie des syndicats, qui ont besoin de gros moyens pour siéger dans les caisses de Sécu, de retraite, à l’assurance-chômage, aux allocations familiales, dans les instances du 1 % logement, envoyer des représentants à Bruxelles pour défendre « l’Europe sociale », etc. Le tout en continuant à militer.

Du coup, et cela depuis des décennies, les syndicats français ont trouvé d’autres moyens. Certains relèvent dans le meilleur des cas du système D. Mais pas toujours...

Prenons une petite phrase du discours « social » de Nicolas Sarkozy, mi-septembre. « Je sais bien que le débat sur la formation professionnelle pourrait achopper sur la question du financement du paritarisme. » Coincés entre l’annonce d’une réforme des régimes spéciaux et la fusion ANPE-Unedic, ces mots paraissaient totalement anodins pour le grand public. Et pourtant... Ils étaient lourds de sens pour les acteurs sociaux. Car la formation professionnelle est en réalité une véritable manne pour les organisations syndicales et patronales. C’est d’elle que provient une grande partie des ressources non avouées du paritarisme. 150 millions par an au bas mot. Selon le rapport Hadas-Lebel, les ressources de la formation professionnelle assurent même 20 % des besoins de la CFTC et 13 % de ceux de la CGC...

Les circuits de financement sont complexes. Mais ils valent qu’on s’y arrête. Alimentée par un prélèvement sur les salaires (1,5 % de la masse salariale pour les entreprises de 10 salariés et plus et 0,25 % pour les PME), la formation professionnelle génère bon an mal an près de 25 milliards d’euros de ressources. Chaque branche (commerce, métallurgie, chimie...) possède son propre organisme collecteur de cette taxe. Or celui-ci est géré par les syndicats et le patronat, qui peuvent donc choisir à leur guise les organismes formateurs « amis ». Dans son enquête « Syndicats, grands discours et petites combines » (Hachette Littératures, 2006), le journaliste Erwan Seznec décrit ainsi les circuits permettant aux syndicats et au patronat de récupérer une partie des fonds. Dans bien des cas, l’organisme collecteur accepte de surpayer certaines prestations (heures de formation, location de salles de formation) au profit d’un centre « ami », qui peut ensuite reverser une partie de ses « profits » à sa maison mère. Autre système décrit par Seznec : « Des permanents travaillant à l’année pour un syndicat ou une fédération sont payés par des centres de formation conciliants. »

Et cette manne profite autant aux syndicats de salariés qu’aux organisations patronales. Il y a quelques années, un rapport de l’Igas dénonçait ainsi la « proximité » entre la CGPME, l’Agefos PME et une association, l’Asforest. Le rapport s’étonnait du fait qu’au sein des mêmes locaux se trouvaient à la fois l’organisme collecteur des fonds de la formation professionnelle, l’Agefos PME, celui qui était censé gérer ces fonds, une branche de la CGPME, et l’organisme qui dispensait des formations aux patrons du secteur de l’hôtellerie, l’Asforest. Un curieux mélange des genres. Mais qui n’a rien à envier à ce qui se fait côté syndical.

Prenons un exemple. L’organisme de formation des intermittents du spectacle. Depuis l’après-guerre, la CGT cultive avec soin son hégémonie dans le monde du spectacle. Cette précieuse chasse gardée syndicale permet notamment de siéger - et souvent en force - aux conseils d’administration de toutes les instances paritaires : le Fonds de soutien au théâtre privé, le Centre national de la chanson, l’Adami, la société qui gère les droits d’auteur, etc. Autant de mandats de gestion qui donnent droit à indemnités, frais de transport et financements pour études diverses. Autre source directe ou indirecte de financement, les liens historiques qui lient la CGT-Spectacle avec certains centres de formation de la branche. Par exemple, le Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle (CFPTS), dont la vocation est de former des techniciens du théâtre. La CGT siège à son conseil d’administration. Mais aussi à celui de l’Afdas, l’organisme paritaire chargé de collecter les subsides de la formation, qui se trouve être aussi le premier client du CFPTS. En clair, la CGT-Spectacle se retrouve à la fois prescripteur et fournisseur d’un même service.

Souvent couverts par l’Etat, ces circuits se retrouvent ailleurs. Ce qui se passe depuis des années à la FNSEA est tout aussi opaque. Tout remonte à 1982. A l’époque, histoire de ne pas se mettre à dos le lobby agricole, le gouvernement Mauroy avait confié à Unigrains (une structure dépendant directement de la FNSEA) la collecte d’une taxe prélevée sur les céréaliers. Celle-ci représentait jusqu’à ces dernières années un joli pactole de 50 à 80 millions d’euros chaque année. Le hic, c’est qu’une partie des fonds était ensuite, au nom de la solidarité entre les céréaliers et les éleveurs, reversée à la Confédération nationale de l’élevage, une autre structure dépendant de la FNSEA. Et qu’une partie des fonds (plusieurs millions au fil des ans) partait directement sur les comptes bancaires de la FNSEA. Si, dans cette affaire, le parquet de Paris a récemment requis le non-lieu pour les huit personnes mises en examen - dont Luc Guyau, patron du syndicat entre 1992 et 2001 -, car il n’y aurait pas eu de détournements de fonds à des fins privées, cette affaire a tout de même permis de lever un coin de voile sur un circuit de financement pour le moins acrobatique d’un syndicat par ailleurs richement doté... D’autant que tout cela a été fait avec la plus grande bienveillance de l’Etat : au fil du temps et des majorités, plusieurs ministres, à gauche comme à droite, ont couvert ce curieux mélange des genres. Voire l’ont encouragé...

Cette « complicité » de l’Etat qui ne veut rien voir des petits arrangements syndicaux est récurrente. Dans un récent rapport, la Cour des comptes s’étonnait sur une centaine de pages que Bercy n’ait pas été vigilant sur l’utilisation des sommes collectées par le comité d’entreprise le plus riche de France, celui d’EDF. Comme si personne n’avait réellement intérêt à regarder en détail ce qui s’y passait, le ministère de l’Economie avait détaché un seul fonctionnaire pour viser les centaines de factures reçues et émises chaque jour par le CE. Et encore, celui-ci n’était pas à plein-temps !

Or il y avait pourtant matière à redire sur l’étrange gestion de celui-ci.

Sur le papier, tout est clair : doté de 459 millions d’euros de budget annuel, le CE (baptisé « Caisse centrale des activités sociales », CCAS) gère les prestations médicales, les séjours de vacances, les assurances et la restauration d’entreprise de 660 000 bénéficiaires, actifs ou retraités. Sur le papier seulement. Car, dans les faits, la gestion de ce comité d’entreprise pas tout à fait comme les autres est étonnante. Dans son rapport, la Cour des comptes dénonçait aussi des frais de fonctionnement « extraordinairement élevés ». Un exemple : celui de la restauration collective (6 millions de repas quotidiens) gérée par le CE, dont le coût des prestations, à qualité égale, est deux fois supérieur à celui d’autres entreprises ! Ce n’est pas tout. Depuis février 2004, une instruction est parallèlement ouverte chez le juge Jean-Marie d’Huy, au pôle financier. Jean Lavielle, responsable de la CGT et président entre 1997 et 2004 du CE d’EDF, et Brigitte Dareau, une responsable du PCF, ont été mis en examen. Avec trois autres personnes. En cause : le financement par le CE - pour 400 000 euros ! - de prestations à la Fête de L’Humanité . Autre scandale : la CCAS mettait une soixantaine d’emplois fictifs (elle emploie 5 700 salariés) à la disposition des centrales syndicales. La moitié proche de la CGT, l’autre des autres syndicats. L’un de ces emplois fictifs n’était d’ailleurs pas utilisé à n’importe quelle tâche : c’était une ancienne assistante de Bernard Thibault, le patron de la CGT...

De telles pratiques ne sont pas isolées. Pour les agents de la fonction publique, les choses ont été codifiées et couchées sur le papier - au titre des « décharges de service », 5 000 à 6 000 fonctionnaires (dont près de la moitié dans l’Education nationale) travaillent en réalité pour des syndicats. Mais, dans le privé, il n’en est pas de même. A la SNCF, entreprise publique mais gérée selon les mêmes critères qu’une entreprise « classique », ce sont près de 600 équivalents temps plein mis à la disposition des organisations syndicales, selon le rapport Hadas-Lebel publié en 2006.

Parfois même, ce sont des entreprises tout à fait privées qui cautionnent ce système. Ainsi de l’actuel président du conseil des prud’hommes de Lyon. Délégué CGT, Bernard Augier fut longtemps salarié du Progrès de Lyon sans y avoir jamais mis les pieds. Officiellement « conseiller juridique » du quotidien régional, il était inconnu de l’entreprise et même de ses collègues du service juridique, alors que le DRH le comptait bien parmi le personnel de la maison... Autre affaire, en 2002, celle de la Caisse de retraite interentreprise, qui employait une trentaine de syndicalistes travaillant en réalité pour leurs centrales.

Certaines « stars » du social assument d’ailleurs sans aucun état d’âme d’être rémunérées comme salariés d’entreprises ou d’institutions pour lesquelles elles ne travaillent pas. Ancien patron de la CGC, Jean-Luc Cazettes était payé par Total. Marc Blondel fut longtemps payé par la Sécurité sociale. Tout comme son successeur, Jean-Claude Mailly. Quant au chauffeur de Blondel, il fut un temps rémunéré... par la Mairie de Paris. La capitale est d’ailleurs très généreuse avec les syndicats. Elle héberge ainsi gracieusement des dizaines de fédérations syndicales. Elle n’est pas la seule collectivité territoriale à le faire. Et il est fréquent qu’une ville parraine généreusement la tenue d’un congrès lorsque celui-ci se tient chez elle.

Principale raison de ce système D très bien huilé : en matière de financements syndicaux, personne n’a véritablement de comptes à rendre. La loi Waldeck-Rousseau de 1884 n’oblige pas les centrales à tenir une comptabilité précise, validée par des commissaires aux comptes. A l’époque, il s’agissait de protéger les syndicalistes contre les pressions patronales... Mais, aujourd’hui, la culture du secret n’a jamais été aussi forte et une telle loi laisse la porte ouverte à de graves dérives.

Un exemple : ce qui se passe sur les quais du port autonome du Havre, un établissement public où la CGT trône depuis des décennies. A partir de 2004, le syndicat doit faire face à une fronde issue de ses propres troupes. Six agents du port, dont certains sont porteurs de la carte CGT depuis trente ans, ont décidé d’y voir un peu plus clair dans la comptabilité de leur organisation syndicale. D’abord de manière orale auprès des dirigeants de la CGT. Puis par courrier. Avant de confier le dossier à la justice, qui diligentera une enquête financière du SRPJ de Rouen. En ligne de mire, des dépenses qu’ils jugent « somptuaires », comme des soirées parisiennes bien arrosées, des remboursements de frais inconsidérés...

Résultat des investigations : deux mises en examen. En 2003, les trésoriers des cinq principaux syndicats s’étaient retrouvés autour d’une table. Histoire de mettre à plat la question de leur financement. Ils s’étaient mis d’accord sur un texte qui dénonçait le « climat d’incertitude et de précarité des systèmes de financement ». Ils dénonçaient des « incidents qui altèrent l’image du syndicalisme et laissent à penser que l’attribution des droits syndicaux relèverait de l’abus de bien social ou du détournement de fonds »... Prémonitoire ? Certes. Mais leur constat n’avait pas débouché sur une proposition concrète. Et pour cause. Tous refusent que leur financement soit assuré par l’Etat. Ils avaient d’ailleurs balayé d’un revers de la main la proposition de loi d’Henri Emmanuelli, qui, en 2001, allait dans ce sens. Autre piste, celle évoquée dans le rapport Hadas-Lebel (voir interview ci-dessus) d’un financement par les entreprises en fonction du véritable poids syndical. Sans plus de succès. Et pour cause. La CFTC et la CGC ont trop à perdre. Mettre à nu leur véritable représentativité serait suicidaire. Malgré ses innombrables mystères et son parfum de soufre, l’affaire Gautier-Sauvagnac a au moins un mérite : relancer le débat sur l’argent noir du patronat et des syndicats...

« DGS », l'homme par qui le scandale arrive

Tour à tour grand commis de l'Etat, « employé de laiterie » et banquier, Denis Gautier-Sauvagnac, 64 ans, s'est imposé dans les années 90 comme le « Monsieur Social » du Medef. Pourtant, dans sa jeunesse, le président de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), « DGS », rêvait d'une autre carrière : en politique. « Il aurait pu être ministre », disent ses amis, qui le décrivent unanimement comme un homme « courtois », « brillant » et « plein de panache ».

Né dans le 16e arrondissement de Paris, ce fils de banquier, catholique, entre à l'Ena en 1965. Après un passage express au Trésor, il file à Bruxelles et devient, à 33 ans, directeur du cabinet de François-Xavier Ortoli, président de la Commission européenne. A l'époque, son histoire d'amour avec la Manche a déjà commencé. En 1970, lui et sa femme, Solange Fauchon de Villeplée, originaire de la région, acquièrent le manoir du Logis (photo), une grande demeure de pierre grise qui, comme son bureau avenue de Wagram, a été perquisitionnée dans le cadre d'une enquête sur les caisses noires de l'UIMM. Ici, à Montgothier, les gens du cru nomment cet endroit « le Château » et vantent la gentillesse de son propriétaire.

Il est vrai que « Monsieur Gautier » connaît bien la région. En 1979, il prend les commandes de l'Union laitière de Normandie (ULN). Cette énorme coopérative laitière (30 000 producteurs, 7 milliards de francs de chiffres d'affaires) est un conglomérat d'une cinquantaine de filiales oeuvrant dans le lait, le veau, les transports... et les carrosseries de réfrigérateurs (Avinov). Lorsque DGS quitte l'ULN en 1985, les comptes ne s'équilibrent que grâce à une opportune subvention européenne (15 millions de francs). Un audit réalisé ensuite par la BNP déplorera l' « obscurité des périmètres comptables » et l'absence de « bonne gestion industrielle ». Sans doute ne fallait-il pas restructurer trop brutalement ce bastion de la FNSEA pour espérer un jour être élu député de la Manche... Peine perdue, puisque, avec sa liste dissidente de droite - baptisée Confiance dans la Manche -, DGS essuiera aux législatives de 1986 un retentissant échec. Et ce malgré le soutien tacite de Jacques Chirac. D'ailleurs, DGS rebondira après sa défaite grâce à François Heilbronner, lui aussi inspecteur des Finances, qui pense à lui comme directeur du cabinet de François Guillaume, président de la FNSEA et ministre de l'Agriculture (1986-1988).

Puis DGS entre dans la banque, au Crédit agricole tout d'abord, où la greffe ne prend pas, puis chez Kleinwort Benson, une banque d'affaires anglaise. En 1993, un chasseur de têtes le recrute comme délégué général de l'UIMM. DGS entre alors au service des grands patrons de l'automobile, de la sidérurgie et de l'aéronautique. En 1998, il négocie avec les syndicats un accord qui vide de sa substance la loi sur les 35 heures. De ce premier fait d'armes et des suivants le Medef lui sait gré. Quant aux compétences plus occultes de DGS, la brigade financière de Paris en dresse actuellement le PV.

Séverine Cazes (avec Louis Laroque)

Comment on casse une grève

C'était au printemps, la grève battait son plein dans les centres d'appels de SFR. L'opérateur de téléphonie avait décidé de revendre à des sous-traitants ses trois plates-formes d'appels de Lyon, Poitiers, Toulouse, employant 1 900 salariés. A Toulouse, qui prend la tête de la contestation, SFR dépêche Cardinal Sud, un cabinet de conseil en ressources humaines spécialisé dans l' « amélioration » du climat social. L'envoyé spécial du cabinet va s'immerger pendant plusieurs semaines dans l'entreprise. « Un jour, on a vu débarquer un type qui a pris la place du DRH pour gérer le conflit , raconte Philippe Tréhout, le porte-parole de l'intersyndicale de Toulouse. Sa mission était clairement d'identifier les meneurs et de casser le conflit. Il intervenait dans les réunions, soufflait le chaud et le froid pour déstabiliser les salariés. » Contacté par Le Point, le cabinet Cardinal Sud s'est refusé à tout commentaire.

Selon nos informations, certains syndicalistes locaux se seraient vu proposer par la direction de SFR un arrangement financier pour un départ volontaire. A la mi-juillet, deux leaders toulousains parmi les plus virulents, appartenant au syndicat Unsa, auraient démissionné du jour au lendemain, en contrepartie d'un peu plus de trois ans de salaires. Comme nous le confirme une source chez SFR, « cette affaire a été gérée en direct dans le plus grand secret par un ponte de la maison ». En l'occurrence, Philippe M., le directeur de la coordination relations humaines des sites relations clientèles. Ce que dément catégoriquement la direction de SFR, contactée par Le Point . Néanmoins, l'avocat du comité d'entreprise, Romain Geoffroy, a dû gérer avec les avocats de SFR le départ de ces salariés. « Tout est couvert par une clause de confidentialité, il m'est interdit d'en dire plus .Mais, dans les conflits sociaux, c'est une pratique courante. Les salariés qui prennent la tête d'un mouvement ne sont pas préparés psychologiquement, il faut les assister pour leur trouver une porte de sortie qui ne leur soit pas défavorable . » Et l'avocat d'évoquer la volonté de SFR de « passer en force. Avant même d'annoncer son projet de transfert, l'opérateur avait provisionné 33 millions d'euros pour financer un plan de départs volontaires ». Selon nos informations, 300 000 euros d'indemnités de départ auraient été proposés à un troisième leader syndical, encore plus à la pointe du mouvement. Mais celui-ci aurait dit niet . Depuis août dernier, les trois centres SFR sont passés sous la bannière d'Infomobile. Jean-Michel Decugis, Christophe Labbé et Olivia Recasens

Allemagne : une sordide affaire

Des prostituées brésiliennes, des voyages dans des palaces de luxe au bout du monde, des partouzes dans les quartiers chauds... tout cela ni vu ni connu et aux frais de l'entreprise. L'affaire Volkswagen a tous les ingrédients d'un parfait scénario de thriller. Le scandale éclate en juin 2005. Le premier groupe automobile européen découvre les escroqueries et les malversations de Helmut Schuster, ancien chef du personnel de Skoda, la filière tchèque de VW, ancien membre du service du personnel de VW au siège de Wolfsburg, et de Hans-Joachim Gebauer, ancien chargé des relations avec les membres du comité d'entreprise de Volkswagen.

Les deux hommes sont limogés. Gebauer se met à table et explique les rouages du système de corruption maison. Peter Hartz, chef du personnel de Volkswagen, père de la semaine de quatre jours et réformateur très controversé du marché du travail sous le gouvernement du social-démocrate Gerhard Schröder, ne tarde pas à être éclaboussé par cette vilaine affaire. Deux semaines à peine après le début de l'affaire, il donne sa démission. Trois mois plus tard, il est accusé d'abus de confiance et d'avoir acheté la paix sociale chez Volkswagen. En tout, 2,6 millions d'euros de primes diverses, y compris prostituées et voyages de luxe, ont été versés entre 1994 et 2005 à l'ancien président du comité d'entreprise, Klaus Volkert. En outre, 400 000 euros ont été alloués à divers membres du conseil d'entreprise en échange de leur soutien aux décisions de la direction. Une cinquantaine de personnes, dont plusieurs hommes politiques, sont impliquées dans ce scandale. Le jugement rendu contre Peter Hartz en janvier 2007 offusque les médias allemands : deux ans de prison avec sursis et une amende de 576 000 euros en échange d'aveux complets. La presse dénonce un procès trop rapide et un verdict trop clément.

L'affaire Volkswagen marque la fin d'un mythe : la cogestion à l'allemande, modèle d'harmonie sociale. Les syndicats allemands, que l'on croyait au-dessus de tout soupçon, puissants mais conciliants, garants du « modèle allemand » tant envié, en ont pris un sacré coup.

Pascale Hugues (à Berlin)

Augusta, la cantine trois étoiles de la CGT

Si les DRH du CAC 40 dînent chez Augusta, c'est moins pour le poisson - remarquable - que pour l'excellent « climat social » qui y règne. Cette table discrète du 17e arrondissement de Paris bénéficie des chaleureuses recommandations de plusieurs cadres de la CGT, qui en ont fait leur cantine depuis plusieurs années. « Vous voulez discuter tranquillement d'un sujet délicat avec vos syndicats avant que ne commencent les négociations officielles ? Ce n'est pas à Montreuil [siège de la toute-puissante CGT] mais chez Augusta que vous êtes invités à vous rendre », témoigne le responsable des relations sociales d'une multinationale de la Défense. « "Invités", façon de parler, car l'addition est toujours pour vous... » précise l'un de ses confrères.

Soucieux d'en savoir plus sur ce lieu mystérieux où la France d'en bas dîne avec le patronat, Le Point a réservé une table chez Augusta. Niché dans un recoin peu fréquenté de la rue Tocqueville, l'établissement est dissimulé aux regards extérieurs par une sorte de moucharabieh qui dissuade les passants de s'aventurer plus avant. Efficace. Passé la double porte qui protège l'écrin secret des pourparlers syndicaux, nous découvrons une salle presque déserte. La seule table occupée l'est par... Jean-Christophe Le Duigou, le numéro deux de la CGT, en grande conversation avec un inconnu décoré de la Légion d'honneur. Les deux hommes passent en revue les sujets d'actualité du moment : Jean-Louis Borloo et son Grenelle de l'environnement, le « dégueulasse » de Fadela Amara, la politique industrielle de la France, l'efficacité des partenariats public-privé... Interrogé le lendemain par Le Point sur l'identité de son interlocuteur, Le Duigou parle d' « un ingénieur à la retraite qui a ses habitudes dans ce restaurant ». Un retraité qui a les moyens. Car si le décor ne paie pas de mine, avec ses tentures et sa moquette bleu-vert passé, les prix, eux, sont ceux d'un restaurant gastronomique.

En entrée, 35 euros pour la langoustine sauce thaïe. En plat, 54 euros pour le saint-pierre aux patates douces. A la cantine de la CGT, pas de vin à moins de 50 euros la bouteille. 23 heures : l'ingénieur prend la note et les deux compères s'en vont. Le propriétaire des lieux, lui, n'est pas pressé de fermer boutique. Il vante la fraîcheur de son poisson et son armagnac hors d'âge. Mais il se ferme comme une huître dès qu'il s'agit de parler de sa clientèle CGT. Pas un mot non plus sur l'identité de ses habitués. « Pas des habitués, des fidèles », corrige-t-il. Augusta, assure le patron, est « l'exact inverse du Fouquet's, où l'on va pour être vu ». Il est certain que dans un des endroits les moins animés de Paris, sans aucune publicité, et avec une addition de 300 euros pour deux, on ne risque pas d'avoir trop de voisins... Les mauvaises langues se demandent d'ailleurs comment survit le Saint-Bernard, la société qui exploite le restaurant. Les préférences culinaires de la CGT, en revanche, ne sont plus un mystère : de vrais goûts de PDG !

Mélanie Delattre et Étienne Gernelle

Question à Raphaël Hadas-Lebel

Raphaël Hadas-Lebel est ancien président de section au Conseil d'Etat, auteur en 2006 d'un rapport sur la représentativité. Le Point : Vous êtes le premier à vous être penché en profondeur sur le financement des syndicats. Mais comment avez-vous travaillé sur ce sujet particulièrement opaque ?

Raphaël Hadas-Lebel : C'était un travail difficile, car la législation n'impose pas aux organisations de publier leurs comptes. Le financement est un sujet sensible. Il concerne la vie interne des organisations. Les solutions ne sont pas évidentes. Les organisations syndicales ne sont en général pas favorables à un financement public directement par l'Etat, à la manière de ce qui se fait pour les partis politiques. Ce serait une atteinte à leur indépendance. En revanche, j'ai eu le sentiment, en conversant avec leurs trésoriers, que les organisations syndicales ne seraient pas hostiles à une clarification en profondeur. Elles ont conscience que l'opacité des moyens dont elles disposent jette le trouble dans l'opinion. En outre, certains modes de financement, comme la mise à la disposition des organisations syndicales de certains salariés, tant dans la fonction publique que dans les entreprises, manquent de sécurité juridique. Des solutions existent pour augmenter la transparence des comptes des organisations et en même temps mieux sécuriser leur financement. Enfin, tout ce qui peut favoriser la place des cotisations dans ce financement est à encourager, soit par des avantages fiscaux supplémentaires, soit par des systèmes de chèque syndical, tel celui expérimenté par Axa, qui permet au salarié de donner à l'organisation de son choix le mandat de le défendre. Et les moyens qui vont avec.

Propos recueillis par Romain Gubert

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Le Nouvel Observateur a publié dans son numéro 1858 une enquête sur le financement des organisations syndicales. Texte original.

« La vérité sur l'argent des syndicats »

« En vingt ans, le syndicalisme français a perdu la moitié de ses troupes. Et pourtant jamais les centrales n'ont été aussi riches. D'où vient cette manne ? Il y a l'argent blanc : les cotisations qui ne représentent aujourd'hui qu'un quart de leurs ressources. L'argent gris : les subventions de l'État et des organismes sociaux, qui se transforment souvent en argent noir et en emplois fictifs. Une enquête exclusive de Matthieu Croissandeau. »

« Enquêtes de la Cour des comptes, mises en examen... ! Dix ans après la tempête qui s'est abattue sur les partis politiques, les syndicats sont à leur tour sommés de s'expliquer sur leur financement. Depuis le début de l'année, les affaires embarrassantes se multiplient. En janvier, c'est une caisse de retraite complémentaire, la CRI, qui est soupçonnée d'avoir rémunéré une trentaine de syndicalistes entre 1995 et 1999. Des emplois fictifs pour un montant de 34 millions de francs ! Il y a un mois, deux fédérations FO et CFDT sont mises en examen dans l'affaire de la Mnef pour « recel de détournement de fonds publics ». Là encore, la justice soupçonne la mutuelle d'avoir employé des permanents syndicaux. Des cas isolés ? Bien sûr, affirment les organisations qui se déclarent prêtes à faire la transparence. Et pourtant, comment expliquer qu'elles aient de moins en moins d'adhérents et de plus en plus d'argent ? En vingt ans, le syndicalisme français a perdu la moitié de ses troupes : à peine 8% des salariés aujourd'hui, contre 20%, en 1980. Les effectifs fondent dans les entreprises, mais les appareils, eux, ne cessent de gonfler. Selon Dominique Labbé, un chercheur spécialiste du mouvement syndical, la CFDT compterait aujourd'hui environ 8 000 permanents et la CGT près de 10 000 : « A elles deux, cela représente autant de personnes que tout le syndicalisme allemand ! » Comment payer autant de salariés ? Certainement pas avec l'argent tiré des cotisations. Il ne suffirait pas. En fait, les syndicats qui ne cessent de protester contre la tutelle étouffante de l'État vivent largement de ses subventions et de la gestion des organismes sociaux (assurance-maladie, etc.). Et cet « argent gris » vire parfois carrément au noir, lorsque certaines institutions acceptent de rémunérer des emplois fictifs. Aujourd'hui les confédérations syndicales ressemblent de plus en plus à de grosses PME de services. Elles louent des locaux à leurs fédérations, éditent des publications, possèdent leurs propres centres de formation, installés comme ceux de FO, de la CGT ou de la CFDT dans des demeures de la région parisienne. Ce foisonnement d'activités intéresse même depuis peu le fisc. Les syndicats, dont le statut est régi par une loi de 1884, ne sont pas soumis à l'impôt. Mais depuis le mois de janvier des spécialistes de Bercy planchent sérieusement sur la question.

DE VÉRITABLES « COMPTES DE FÉES »...

« Bon courage aux inspecteurs du fisc ! Car les comptes de ces PME pas comme les autres battent des records d'opacité. Par ignorance d'abord. Aucune confédération n'est en effet capable de présenter un bilan complet. « Nous n'avons pas de fichier central, explique Lydia Brovelli, trésorière confédérale de la CGT. C'est un sujet sensible, car chacune de nos fédérations s'estime propriétaire de ses adhérents. » En 1998, la centrale de Bernard Thibault a bien adressé à ses syndicats des questionnaires pour faire le point sur les cotisations. Le siège de Montreuil a reçu à peine... 20% de réponses. Restent alors les comptes de la maison mère : la confédération. La CGT et la CGC ont opté pour une relative transparence, la CFTC refuse de présenter son bilan. Et la CFDT a promis de faire la lumière. Quant à FO, c'est un mystère. Selon les éléments présentés à chaque congrès, la confédération de Marc Blondel récolterait plus de cotisations que la CDFT et la CGT réunies ! Mais l'ignorance n'explique pas tout. Les informations publiées par les syndicats sont volontairement floues. Des millions de subventions disparaissent dans des documents annexes. Et, bien entendu, inutile de chercher la trace - et pour cause - des milliers de permanents ou des locaux dont ils jouissent gratuitement. « Ce sont des comptes de fées », ironise Dominique Labbé. Comme si les syndicats voulaient faire croire qu'ils vivent essentiellement d'« argent blanc », c'est-à-dire de leurs cotisations. Or c'est impossible. Au total, selon nos calculs, les cinq organisations représentatives lèvent ensemble moins de 1 milliard de francs de cotisations par an. Sur la base des informations qu'elles nous ont fournies, la CFDT récolterait 340 millions de francs, la CGT 270 millions, la CGC 80 millions... Le flou entretenu par les centrales est bien compréhensible. Car il concerne directement les effectifs. Aujourd'hui les adhérents règlent leurs cotisations (50 à 70 francs par mois) par chèque au trimestre ou à l'année, voire par prélèvement automatique comme de simples abonnés de Canal+. C'est le cas à la CFDT de 80% des syndiqués. Cette concession à la modernité ne doit rien au hasard. Car si on ne les y contraint pas, les adhérents ne cotisent au mieux que huit mois sur douze. A la CFDT le problème est donc quasiment réglé, mais curieusement la centrale de Nicole Notat continue de raisonner comme si ses adhérents n'étaient pas débités tous les mois. Une astuce qui lui permet de diviser la somme de ses cotisations par 8 et non par 12. Et d'afficher en avril 808 581 adhérents et non pas 300 000 de moins. La discrétion des syndicats s'explique enfin parce que le système fonctionne mal. A Force ouvrière, par exemple, les arriérés de cotisations réclamés par la confédération à ses syndicats se montent à 30 millions de francs ! Chaque échelon a en effet intérêt à faire de la rétention. De la section d'entreprise à la confédération, chaque niveau intermédiaire (syndicat, union régionale, fédération...) prélève sa dîme. Plus les appareils sont gros, plus ils pressurent la base. Et il ne reste en définitive au syndicat local que 25% des cotisations. Un système pervers, selon Jacques Mairé, ancien opposant à Marc Blondel au sein de FO, passé il y a deux ans à l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) : « Quand les niveaux supérieurs ponctionnent l'essentiel des ressources, le syndicat ne voit plus pourquoi il se fatiguerait à recruter de nouveaux adhérents. » Et puis le montant des cotisations n'a jamais suivi l'évolution des salaires ni des prix pour limiter l'érosion des effectifs. Il est aujourd'hui beaucoup trop faible pour subvenir aux besoins. Selon Dominique Labbé, les cotisations aujourd'hui ne représenteraient au mieux qu'un quart des ressources des organisations.

L'ÉTAT VERSE PLUS AUX SYNDICATS QU'AUX PARTIS POLITIQUES

« Faute d'« argent blanc », les syndicats se mettent alors en chasse d'« argent gris », c'est-à-dire de subventions légales. Mais ils prennent du coup le risque de sacrifier leur indépendance en collectionnant les deniers publics (voir tableau). Selon notre enquête, l'État consacre chaque année au moins 600 millions de francs à la vie syndicale, alors que le financement des partis, hors campagne électorale, s'élève à 520 millions de francs par an ! Les pouvoirs publics encouragent les adhésions. Depuis 1989, les syndiqués peuvent en effet déduire de leurs impôts 30% de leur cotisation : un manque à gagner pour l'État de 290 millions de francs par an. Certains ministères, passent à la caisse pour au moins 283 millions. Celui de Martine Aubry se taille la part du lion : près de 200 millions de francs par an. C'est aussi le plus discret : ses services que nous avons cherché à joindre sont restés muets sur la question. Il faut donc éplucher tous les documents budgétaires fournis avant le vote de la loi de finances pour retrouver la trace de ces subventions. A quoi servent ces aides ? « Essentiellement à la formation des délégués syndicaux, explique Lydia Brovelli de la CGT. Nous organisons chaque année 63 000 journées de stage pour quelque 15 000 militants. » « Ces aides se répartissent de la façon suivante, ajoute un autre syndicaliste. Les trois grandes confédérations, CGT, CFDT et FO, reçoivent 22% des sommes chacune. La CFTC, la CGC et la FEN reçoivent, elles, 11%. » Cette manne profite essentiellement aux syndicats dits représentatifs. Tant pis pour SUD ou la FSU pourtant majoritaire, devant la FEN, chez les enseignants. Il y a aussi les enfants gâtés, comme les syndicats du monde agricole ! Ils reçoivent de leur ministère près de 35 millions de francs par an. « Bercy voulait que l'on réduise ces sommes l'an dernier, confie-t-on chez le ministre Jean Glavany. Mais c'est un sujet hautement politique et nous avons tenu bon. » Tellement politique, même, que le ministère a revu à la hausse l'enveloppe de la Confédération paysanne de José Bové depuis ses exploits médiatiques, alors que la FNSEA recevait avant 90%. Les syndicats de la Fonction publique ne sont pas oubliés non plus. Les services du Premier ministre leur versent 12 millions de francs par an. C'est peu ? Oui, mais pour eux les aides dépassent de loin les seules subventions financières. Les fonctionnaires constituent en effet les gros bataillons du syndicalisme. L'État met à leur disposition plusieurs milliers de permanents. Combien ? Environ 4500, avait répondu au Parlement un ministre de la Fonction publique, en 1987. En réalité beaucoup plus. Chaque ministère, selon sa taille, a le droit d'offrir un certain nombre de postes. Cela, c'est la théorie. Mais en pratique ils sont plus généreux. Ainsi, selon le ministère de l'Education nationale, les détachements d'enseignants auprès des organisations syndicales correspondaient, conformément aux textes officiels, à 1518 emplois à plein temps en 1998. Un chiffre contesté, l'année dernière, par un rapport conduit par le sénateur RPR, Adrien Gouteyron. Selon lui, « le nombre de bénéficiaires d'une décharge syndicale partielle ou totale est d'environ 7 000 agents ». Le coût financier de ces emplois offerts par l'État, les villes et les entreprises publiques (voir encadré) est considérable. Sur la base de statistiques fournies par la CGT, Dominique Labbé s'est livré à un petit calcul : 288 permanents pris en charge par la collectivité permettraient à la centrale de Bernard Thibault d'économiser près de 100 millions de francs.

LES ORGANISMES SOCIAUX PASSENT À LA CAISSE

« Et ce n'est pas tout. La gestion de la protection sociale par les partenaires sociaux leur rapporte 340 millions de francs, selon notre enquête. Représentants syndicaux, mais aussi patronaux, siègent ainsi dans les caisses de retraite, d'assurance-maladie, d'allocations familiales, d'assurance-chômage... « C'est très lourd, explique Lydia Brovelli. D'abord parce qu'il faut trouver les gens, ensuite parce qu'il faut les former si on veut qu'ils soient compétents. » Les fonctions d'administrateurs sont bénévoles, mais les partenaires sociaux se sont entendus pour faire supporter aux organismes une partie des coûts. Et cela peut aller loin. Que penser du secteur de la formation professionnelle ? Depuis 1995, les « frais de paritarisme » des représentants syndicaux et patronaux ont été fixés par un décret ministériel à 1,50% de la collecte des fonds. Cela représente quand même 200 millions à se partager par an ! Autre exemple. « L'assurance-maladie consacre chaque année 48 millions de francs aux actions que mènent les partenaires sociaux pour la prévention des risques professionnels, explique le directeur de la Cnam Gilles Johanet. Elle prend aussi en charge, pour 21 millions de francs, le salaire de conseillers techniques et les stages de formation des administrateurs qui siègent dans les caisses. C'est une nécessité, car les dossiers sont très techniques. » Ces stages sont-ils réellement effectués ? Oui, pour la plupart. Mais les partenaires sociaux sont malheureusement brouillés avec les justificatifs de dépenses. « Et je ne me vois pas envoyer quelqu'un s'assurer de la bonne utilisation des fonds, explique un responsable du Groupe national de Contrôle, chargé de faire la police dans la formation professionnelle. C'est un sujet beaucoup trop politique et sensible. » L'Unedic, qui accorde 28,3 millions de francs par an aux syndicats et au patronat, s'est simplifié la vie. Elle ne vérifie rien. Mais le Medef menace de réserver les aides aux seuls signataires de la convention qui régit l'assurance-chômage. La CGT, qui appose rarement son paraphe, y perdrait près de 3,4 millions de francs par an !

LES EMPLOIS FICTIFS DE LA PROTECTION SOCIALE

« Plus malsain encore : les organismes paritaires acceptent d'héberger des emplois fictifs, en plus des nombreux permanents qui jouissent d'heures de délégation. D'« argent gris » on passe alors à « l'argent noir ». Ces postes sont parfois négociés au plus haut niveau. « Je me suis accordé un volant d'une dizaine de clandestins à ne pas dépasser, témoigne le directeur d'une caisse de Sécu. Mais attention, je le fais toujours dans l'intérêt de l'institution en obtenant en échange un soutien ou un accord pour faire passer un projet. Au regard des milliards gérés par les caisses de Sécu, ce n'est pas cher payé. A condition toutefois que cela reste rare et que cela ne vérole pas le système. » Seulement, ce n'est pas le cas. Certains de ces postes datent d'accords tacites reconduits depuis la Libération ! Avec le développement des affaires judiciaires, comme celles de la CRI ou de la Mnef, c'est la panique dans les caisses locales. « Actuellement, j'ai deux salariés mis à la disposition de la CGT, explique le directeur d'une caisse primaire d'assurance-maladie de province. Si j'avais dis non, c'était le bordel. Mais si la justice débarque je m'en prends plein la gueule. » Son cas n'est pas isolé. La Cour des Comptes a épinglé la Caisse de Paris, l'an dernier, pour une dizaine de mises à disposition complètement illégales. Coût : 3 millions de francs par an, selon nos informations. « Un minimum de deux emplois fictifs par caisse de Sécu me semble crédible », estime un autre responsable de province. Multiplié par 129 caisses, cela ferait 258 postes, soit près de 80 millions de francs par an ! Pas mal. Et le même scénario se reproduit aussi dans les caisses d'allocations familiales. Voire dans le monde opaque des retraites complémentaires, comme l'a montré l'affaire de la CRI. Les partenaires sociaux qui gèrent ce secteur ont d'ailleurs récemment bataillé ferme pour que la Cour des Comptes ne vienne pas éplucher leurs bilans. « Nous sommes un régime privé, se justifie Marc Vilbenoît, le vice-président CGC des caisses de retraite de cadres (Agirc). Le contrôle de l'État nous pose un problème existentiel et idéologique. » Beau souci d'indépendance ! Et pourtant. Que penser d'un syndicalisme qui lève moins de 1 milliard de francs et reçoit au moins autant d'aides et de subventions ? « Nous détenons plus de 20 000 sièges dans différents organismes, explique Jean-Luc Cazettes, le président de la CGC. Tout ceci a un coût. Il est donc normal que la collectivité apporte sa contribution. » À condition toutefois que les règles soient claires et transparentes. Aujourd'hui la CGT préconise une taxe sur la valeur ajoutée des entreprises ou sur la masse salariale. La CFDT, elle, réfléchit à un système généralisé de chèque syndical, que chaque salarié pourrait reverser à l'organisation de son choix. Mais ces propositions supposent que les partenaires sociaux fassent la preuve de leur légitimité. Et que l'État revoit les critères de représentativité. Difficile en effet de parler de démocratie sociale, lorsque cinq confédérations seulement ont le droit de faire acte de candidature et se dispensent du verdict des élections. Les organisations patronales et syndicales qui gèrent la Sécurité sociale au nom des entreprises et de leurs salariés ne sont en effet pas repassées devant les urnes depuis... dix-sept ans. »

Matthieu CROISSANDEAU.

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Un syndicaliste CFTC : « Nous touchons de l'argent de l'UIMM, et alors ? »

© Marion Gay, Vincent Nouzille / Bakchich - 16.05.08 | 11:18

Joseph Crespo est en colère. Président de la fédération CFTC Métallurgie, il fulmine contre les soupçons de corruption qui empoisonnent le climat syndical depuis le début de l'affaire des « caisses noires » de son homologue patronal, l'UIMM, l'union des industries métallurgiques et minières, en septembre dernier. « On en a marre d'être traités de voyous ou de corrompus par plein de gens, alors que nous n'avons rien à nous reprocher » confie-t-il à Bakchich . Il est vrai que les principaux bénéficiaires des 21 millions d'euros de cash distribués par l'UIMM via son délégué général Denis Gautier-Sauvagnac (DGS) demeurent mystérieux (voir encadré). Et que la gestion discrétionnaire par l'UIMM de sa cagnotte secrète - 600 millions d'euros !- suscite bien des questions.

De l'argent versé par l''UIMM aux syndicats

Mais, depuis le début de l'enquête judiciaire sur ces versements occultes, tout le monde évite de parler des relations financières, qu'elles soient licites ou pas, entre l'UIMM et les syndicats. Sujet tabou et silence radio. Jacques Voisin, le président de la CFTC a déclaré qu'il n'y avait pas de « système organisé » entre l'UIMM et son organisation. Dans un livre qui sort le 17 mai « l'argent noir des syndicats » [ 1 ], l'UIMM se réfugie derrière l'enquête judiciaire en cours pour botter en touche sur le sujet. Mais Joseph Crespo évoque, lui, l'existence de subventions légales « qui posent en effet un problème d'indépendance » , sans donner plus de précisions.

Bakchich a voulu en savoir plus. Et Joseph Crespo a accepté de nous fournir des explications chiffrées, qui confirment l'existence de versements réguliers de l'UIMM à tous les syndicats (voir la vidéo ci-dessus).

270 000 euros par an pour la CFTC Métallurgie

De quoi s'agit-il ? De fonds versés - appelés dans le jargon syndical un « préciput » c'est-à-dire un prélèvement,- dans le cadre d'un accord sur la formation des syndicalistes signé entre l'UIMM et les syndicats de la branche, destinés officiellement à payer des stages. Le montant touché par la CFTC Métallos ? Un chèque signé par l'UIMM de 270 000 euros par an, ce qui représente 18% des ressources de la CFTC Métallos (1,4 million d'euros par an). « Nous recevons la même somme que les autres syndicats, plaide Joseph Crespo. C'est un accord signé, le versement est parfaitement légal et transparent dans notre unique compte bancaire localisé à la Bred ».

Et à quoi sert cet argent, dont l'UIMM ne contrôle pas l'usage final ? En vérité, les syndicats en font ce qu'ils veulent. « Nous organisons vraiment des stages de formation à la négociation pour nos militants » assure le président de la Fédé des Métallos. Plusieurs centaines de syndicalistes seraient concernés chaque année. « C'est nous qui faisons entièrement le programme, l'UIMM ne s'en occupe pas » tient à préciser Joseph Crespo. Il ajoute que la formation mobilise environ 80% des fonds versés par l'UIMM. « Le reste permet de financer partiellement les 6 salariés de notre fédération » . Une manière de reconnaître que l'argent de l'UIMM sert aussi à faire vivre sa fédération de manière permanente…

Un quart des recettes viennent des adhérents

Joseph Crespo nous donne également d'autres précisions. Car l'UIMM n'est pas la seule à verser son obole. La fédération des services de l'automobile (concessionnaires, etc) finance également, à hauteur de 250 000 euros par an, la CFTC Métallurgie (comme tous les autres syndicats), dans le cadre d'un accord sur le paritarisme. Et six entreprises du secteur (dont EADS, Thalès, Safran, Renault) ont signé des accords de « droit syndical » avec la CFTC Métallurgie qui les conduit à verser chaque année 40 000 euros chacune à cette fédé. Soit 240 000 euros de rentrées supplémentaires. Sans compter des recettes annexes de publicité provenant de sociétés de prévoyance (Ionic, AG2R, etc) dans les revues syndicales.

Au total, les cotisations des 16 000 adhérents ne représentent que 25% des recettes de la fédé, qui totalisent 1,4 millions d'euros par an. « Le système est comme cela. C'est dommage, mais cela ne fait pas de nous des vendus » estime Joseph Crespo. Le président de la fédé CFTC Métallurgie, qui est, par ailleurs, candidat au poste de secrétaire général de la CFTC au congrès d'octobre prochain, est partisan d'une transparence totale et d'une réforme de la loi sur le financement des syndicats, en faveur d'un système de chèque syndical donné à chaque salarié. « Ce serait plus sain » admet-il.

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Les syndicats sont-ils vendus ?

Livre / jeudi 15 mai par Vincent Nouzille

Si les petits arrangements financiers de l'UIMM ont été (en partie) mis au jour, ceux des syndicats censés défendre les salariés restent à ce jour encore tabous. Dans un livre, « L'argent noir des syndicats » (Fayard), le philosophe et journaliste Roger Lenglet, et deux syndicalistes, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, révèlent, preuves à l'appui, les magouilles des syndicats, qui dépendent notamment un peu trop… du patronat.

C'est une enquête stupéfiante, qui devrait faire du bruit. Pour la première fois, le voile se lève sur un sujet tabou, « l'argent noir des syndicats ».

Depuis le début de l'affaire des fonds secrets patronaux de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), le doute se propage.

Qui a été arrosé par l'UIMM, notamment avec les 20 millions d'euros en espèces destinés à « fluidifier les relations sociales », selon l'expression imagée de Denis Gautier-Sauvagnac, le puissant boss de l'organisation patronale, éjecté de son poste ? Les syndicats de salariés, mal à l'aise, ont tous protesté de leur bonne foi et DGS a promis de ne rien dire.

Le livre du journaliste Roger Lenglet, et des syndicalistes Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont n'apporte pas de révélations majeures sur ce scandale entre les mains de la justice. En revanche, l'affaire de l'UIMM n'est visiblement qu'un révélateur de pratiques plus générales entre patronat et syndicats, qui vont de la subvention déguisée à la corruption pure et simple… Dans une absence totale de transparence. Il est vrai que la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur les syndicats leur permet de se dispenser de toute justification sur l'origine de leurs fonds et sur l'identité de leurs adhérents. Ils ont même le droit de détruire chaque année leur comptabilité afin de ne pas laisser de trace ! Un comble. Censé protéger les syndiqués de toutes représailles ciblées, ce système légal est aujourd'hui totalement archaïque.

Pratiques assez troubles entre patronat et syndicats

La réalité, telle que la narrent les auteurs, est bien plus accablante qu'on ne le croit. Les syndicats ont besoin d'argent. Or, ils ont de moins en moins d'adhérents, puisque les cotisations couvrent probablement moins de la moitié de leurs dépenses. La désyndicalisation et la bureaucratisation de syndicats émiettés vont de pair. Résultat : le système D règne. Et les dérives se multiplient.

L'UIMM, par exemple, reste muette sur les subsides qu'elle verse discrètement aux syndicats depuis des années. Or elles existent bel et bien, selon les auteurs. (Bakchich, dès demain, en révélera d'ailleurs quelques exemples très concrets) !

Téléphones, voitures, primes, embauches amicales…

D'autres PDG anonymes, cités dans le livre, évoquent des pratiques plus tangentes, des petits cadeaux qui entretiennent l'amitié… et permettent d'assurer un climat social très calme dans l'entreprise : « Je reçois moi-même, lors de chaque élection professionnelle de délégués du personnel, les salariés élus pour leur proposer des petits cadeaux, un véhicule de fonction et un téléphone portable. En contrepartie, ce que je demande, c'est qu'ils me préviennent afin de régler en amont et en petit comité tout litige qui pourrait déraper. » Pis : les permanents de certains syndicats viennent demander quelques services, en échange de leur promesse de calmer les revendications.

Daniel Guerrier, délégué CGT jusqu'en 2000, témoigne, lui, à visage découvert : « j'ai souvent vu des délégués du personnel prendre leurs ordres auprès de la direction pendant des repas régulièrement offerts par les cadres dirigeants, au cours desquels on se tutoie et on baisse un peu la voix en abordant certains sujets comme le renouvellement du portable ou de la voiture, en passant par les primes spéciales et les horaires allégés, l'embauche de parents ou amis. »

Ces pratiques seraient, selon les auteurs, très répandues, par exemple, dans le secteur de la construction ou du nettoyage. Là, les employeurs désigneraient carrément eux-mêmes certains syndicalistes de manière à éviter les soucis. Moyennant quelques avantages salariaux et appartements attribués aux heureux délégués. Même la CGT a du mal à discipliner ses troupes dans le monde atomisé du nettoyage…

Des pages de pub qui posent question

Mais les surprises ne s'arrêtent pas là. Les syndicats sont aussi gentiment arrosés par des pages de pub dans leurs revues internes. Pages qui peuvent êtres payées jusqu'à 100 000 euros « sans que personne ne puisse expliquer leur intérêt commercial ». Les auteurs notent que la presse CGT a un « penchant prononcé » pour les pubs venant notamment des assureurs Satec, Macif, Axa, MMM, Assurance Sport et Tourisme, les groupes Dassault, EDF, SNCF, Air France, Suez, Veolia, France Télécom, l'alcoolier Pernod-Ricard, le Patis 51 et le champagne Henri-Guiraud…

Fonds pour la formation ou les handicapés détournés

Par ailleurs, les collectivités locales, les caisses de retraite complémentaires et l'argent de la formation professionnelle (voir l'encadré) contribuent, eux aussi, à irriguer les syndicats, de manière directe ou indirecte, comme plusieurs rapports de l'Inspection des affaires sociales et de la cour des comptes l'ont déjà dénoncé, sans véritable suites. Pire : les 400 millions d'euros de subventions destinées à l'insertion professionnelles des personnes handicapées seraient en partie détournées vers d'obscurs « conseillers techniques ». Sans que personne ne s'en émeuve vraiment !

Des centres de formation très dépendants

Chaque branche professionnelle (agro-alimentaire, chimie, commerce, métallurgie, etc) possède son organisme agréé collecteur de taxes : Agefos PME, Fongecif, Opcareg… On en compte une centaine, lesquels sont gérés de façon paritaire par les syndicats patronaux et les syndicats de salariés.

Cette gestion paritaire favorise-t-elle le contrôle mutuel de l'emploi de cet argent par les partenaires sociaux ? En principe, oui. D'ailleurs, on s'attendrait à entendre de temps en temps quelque cri marquant des désaccords,… Mais non, aussi étonnant que cela puisse paraître, les partenaires sociaux semblent aspirer à la concorde et ne souffrir d'aucun conflit. Chacun d'eux choisit ses centres formateurs en fonction de sa sensibilité et décide de l'orientation des formations, de leur contenu, du nombre réel de stagiaires… L'existence de ces centres est organiquement lié au syndicat qui fait appel à leur service, dès leur création. Et l'allégeance est complète.

"Pour récupérer en partie l'argent de la formation professionnelle, on s'arrange avec les centres formateurs qui surfacturent leurs prestations – ou facturent carrément des formations fictives – et l'on reverse ensuite discrètement aux syndicats une partie des bénéfices indus" nous explique un témoin direct (…)

Dans un rapport remis en 2007, la Cour des comptes montrait plus d'assurance : "rares sont les organisations professionnelles qui présentent de véritables justificatifs même plus ou moins détaillés, correspondant à des services effectivement rendus". »

© « L'argent noir des syndicats », Fayard 2008

A l'arrivée, le constat du livre est accablant, que ce soit dans les entreprises privées comme dans le cas des entreprises publiques, tels qu'EDF ou la SNCF, où les abus – narrés en détail – sont légion. Le système de financement des syndicats – patronaux et de salariés – est bancal, opaque, perméable à la corruption, sans règles ni contrôles. Il serait grand temps de le réformer, au moins pour lui donner plus de transparence. Et éviter de désespérer ceux qui continuent de militer en toute bonne foi.

« L'argent noir des syndicats », Roger Lenglet, Jean-Luc Touly, Christophe Mongermont (Fayard) sortie le 17 mai, 302 pages, 19 euros

Et à découvrir à partir de ce week-end dans Bakchich

Les débuts du blog de Roger Lenglet, l'un des auteurs du livre « L'argent noir des syndicats » (Fayard)

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http://www.bakchich.info/article3833.html

Syndicats la terrible vérité

Réponse à l'édito de Jacques Julliard

19 mai à 23h06

Si l'argent noir des syndicats reste un tabou, ce n'est pas seulement parce qu'il cache la faiblesse du nombre de syndiqués. La vérité la plus inavouable soulève la question de leur indépendance : car voilà, ce sont les directions d'entreprises qui jouent les mécènes discrets. Ce qui n'aiguise pas vraiment les ardeurs syndicales… Il est grand temps que les salariés ouvrent les yeux et imposent des règles saines à leurs représentants. "Il n'est pire sot que celui qui ne veut pas entendre…" Ce dicton a pris un sens extravagant à mes yeux depuis le 17 mai 2008, jour de la sortie de L'argent noir des syndicats

J'ai mené cette enquête avec deux syndicalistes très actifs, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, récompensés en 2006 par l'association Anticor pour leur lutte contre la corruption et leur opiniâtreté à défendre les salariés (voir la note concernant les auteurs). Inquiets de voir les grandes organisations signer de plus en plus facilement des accords vidant le droit du travail et les acquis sociaux, nous avons voulu en savoir plus. En plongeant notre nez dans les grandes entreprises, nous avons pu détailler la manière dont elles caressent des acteurs du monde syndical pour les endormir.

Notre livre dresse un état des lieux et lance une alerte, mais c'est d'abord un vade mecum pour mieux savoir se défendre face aux employeurs et obliger les syndicats à se bouger les fesses. De nombreux syndicalistes de tous bords nous soutiennent depuis le début de cette enquête, furieux contre la mollesse chronique de leur hiérarchie et les accords scandaleux passés dans leur dos au cours des dernières décennies. Certains qui ont témoigné dans le livre le paient d'ailleurs aujourd'hui très cher en se faisant virer de leur organisation.

Le bal des faux culs

Au lieu de provoquer un réveil du monde syndical et des syndiqués, les faiseurs d'opinion qui commentent le livre feignent souvent l'indignation en faisant croire que c'est une charge contre le syndicalisme. Nous qui défendons à chaque page les syndicalistes qui restent intègres et relatons leurs luttes contre les corruptions ! Certains journalistes le font même passer pour une attaque contre les travailleurs, pour un mauvais coup de la droite ou du gouvernement.

Dans son édito du Nouvel Obs, Jacques julliard donne le ton en nous présentant comme des alter ego de Jacques Marseille, l'économiste de droite qui bouffe du syndicat à longueur d'année et s'acharne contre la protection sociale. Le même laisse entendre que nous sommes un commando de Sud Solidaire. Jacques Julliard ne se demande pas pourquoi le Nouvel Obs juge bon de reproduire, dans le même numéro, des extraits de notre enquête sur quatre pages et s'en inspire sur trente pages !

Je reviendrai un autre jour sur les raisons de cette curieuse attitude des uns et des autres, en détail. Elles valent le détour.

Affrontons les vraies questions

Qu'ont obtenu les entreprises en échange du soutien financier qu'elles apportent aux syndicats depuis des années ? Alors que tout le monde semble répète comme un seul homme que les syndicats ont dû compenser la perte des cotisations auprès de syndiqués, ne faut-il pas oser dire enfin que ce sont les financements qui les ont détourné des salariés ? Est-il possible de parler du financement des syndicats et des conditions de leur indépendance sans être accusé de servir la droite ? Examiner la réalité en face et déplorer les paralysies des organsiations nous vaut d'être taxé d'anti-syndicalisme par ceux qui restent éloignés des salariés, alors nous sommes sur le terrain pour les défendre. La simple et terrible vérité est que les employeurs, bien au-delà des lubrifications de l'UIMM, ont largement transformé la scène syndicale en simulacre de rapport de forces .

J'ouvre ce blog parce que je crois qu'il possible de lutter contre les stratégies corruptrices des grands groupes privés et de leurs lobbies. Parce que je refuse de voir enterrer le syndicalisme de lutte et qu'il soit remplacé par des accords que plus personne ne cherche vraiment à comprendre et qui ressemble de plus en plus à de l'absraction lyrique. Des accords que trop de médias présentent comme des bulletins météorologiques de la vie sociale annonçant la fatalité du temps.

Avec Jean-Luc et Christophe, nous pensons que la passivité de nos syndicats a un rôle déterminant dans le fait que le taux de syndiqués en France est devenu le plus bas des pays développés. Nous sommes frappés par le fait que ce taux ait été divisé par cinq depuis les années 1970 alors que, dans le même temps, le nombre des permanents syndicaux a été multiplié par le même nombre. L'argent des syndicats ne vient plus des syndiqués (on ne va même plus chercher leurs cotisations, le plus souvent). Les salariés sont devenus les seuls gêneurs pour ceux qui veulent danser en rond !

Ce blog offrira aussi l'occasion de présenter les réactions autour de cette enquête et de ce combat.

je vous invite à m'apporter vos réflexions, témoignages et documents.

Roger Lenglet

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Les révélations d'un livre dérangeant : Comment acheter un syndicaliste

«L'Argent noir des syndicats» (Fayard) raconte les méthodes mises en oeuvre pour corrompre les représentants des salariés. Et lève aussi un coin de voile sur les financements occultes des organisations syndicales. Extraits

Gros chèques et petits cadeaux

D'anciens syndicalistes de Thales (ex-Thomson-CSF) nous expliquent que l'UIMM a toujours entretenu de bons rapports avec leur employeur, mais aussi avec leur syndicat. [...] Quelques mois plus tard, Joseph Crespo, président de la fédération CFTC de la métallurgie, reconnaissait, au cours d'un entretien réalisé avec nous, l'existence de ces subventions : «Ces subventions sont faites à tous les syndicats et sont parfaitement légales, même si elles posent en effet un problème d'indépendance.» [...]

Un PDG, juge dans un conseil des prud'hommes, accepte de se confier à nous dans le cadre d'un échange personnel, comme s'il voulait en profiter pour se délivrer d'un poids : «Je connais beaucoup d'employeurs qui achètent leurs délégués syndicaux pour s'assurer la paix sociale, je ne suis donc pas surpris du tout par l'affaire de l'UIMM.» Il hésite un peu, puis nous souffle : «Non seulement je connais des employeurs qui le font aussi, mais je reçois moi-même, lors de chaque élection professionnelle de délégués du personnel, les salariés élus pour leur proposer des petits cadeaux, un véhicule de fonction et un téléphone portable : en contrepartie, ce que je demande, c'est qu'ils me préviennent afin de régler en amont et en petit comité tout litige qui pourrait déraper.»

[...]Il nous explique qu'aliéner peu ou prou l'indépendance de syndicalistes est «nécessaire à la bonne marche des entreprises, qui, sinon, devraient faire face à des luttes gênantes». [...]

André B., un entrepreneur du bâtiment qui vient de procéder au licenciement de deux ouvriers trop revendicatifs, complète cet éclairage : «Un permanent syndical capable d'en imposer pour calmer les troupes est très utile [...].» L'inconvénient, dit un autre chef d'entreprise, «c'est que certaines exigences peuvent devenir un véritable racket qu'on ne peut interrompre sans prendre le risque de représailles sous la forme d'actions sociales embarrassantes. Ca peut même tourner au harcèlement jusqu'à ce qu'on trouve un terrain d'entente financier. Mais on s'y retrouve plutôt bien, il faut l'avouer». [...] Du côté syndical, des témoins nous confirment le phénomène. Daniel Guerrier, délégué syndical cégétiste jusqu'en 2000, témoigne à visage découvert : «Dans les grandes entreprises du bâtiment et de l'eau où j'ai été élu, j'ai souvent vu des délégués du personnel prendre leurs ordres régulièrement auprès de la direction pendant des repas régulièrement offerts par les cadres dirigeants, bien arrosés et souvent répétés, au cours desquels on se tutoie et on baisse un peu la voix en abordant certains sujets comme le renouvellement du portable ou de la voiture, en passant par les primes spéciales et les horaires très allégés, l'embauche de parents ou d'amis [...]. Au début, je m'étonnais de ne pas les voir retourner au travail l'après-midi, j'ai vite compris que ça faisait aussi partie des petits privilèges des syndicalistes qui acceptent le régime maigre pour les salariés.» [...]

Des «vendus» dans le nettoyage

José Tison, un ancien de SUD-Rail qui s'est longtemps investi auprès des salariés du nettoyage, ne craint pas d'affirmer : «Dans ce secteur, il faut bien le dire, beaucoup de délégués sont purement et simplement achetés par les directions. Tout reste à faire, ou plutôt à remettre à plat. Il faut repartir de zéro.» Etienne Deschamps, juriste du syndicat CNT-Nettoyage d'Ile-deFrance, apporte des précisions : «Une façon de «tenir» les représentants du personnel est de leur attribuer des petits avantages. Promotion pour devenir chef, voiture de fonction, double salaire (au nom de deux boîtes de nettoyage), tout est bon, même l'obtention de logements par le 1% patronal. Les DRH ne demandent pas nécessairement à l'heureux bénéficiaire d'abandonner son mandat, c'est plus fin que cela : ces avantages impliquent «spontanément» une forte baisse du niveau de revendication. On le constate alors par touches successives : au début, le délégué du personnel vient un peu moins aux réunions, puis plus du tout. Ensuite, ses camarades nous expliquent qu'il délaisse certains dossiers urgents ou qu'il ne s'occupe plus guère de son travail syndical. Pis, qu'il minimise les problèmes des salariés. Enfin, on apprend qu'il a déménagé après avoir obtenu un appartement plus grand, mais sans vraiment s'en vanter. Ce sont souvent des indices forts. Tous les syndicats sont touchés. Le nôtre n'est pas à l'abri non plus de ces tentations.»

Des licenciements en or

«J'étais délégué syndical CFDT, délégué du personnel et secrétaire du comité d'entreprise. Les conflits qui m'opposaient à la direction devenaient de plus en plus vifs. Un jour, on m'a proposé un arrangement : une démission de mes fonctions représentatives et un licenciement à des conditions très avantageuses. Un million de francs, c'était plus que tentant. En fait, c'était juste ce qu'il me fallait pour démarrer une petite entreprise de conseil...» Marc Costes dirigeait la zone Afrique de l'export du laboratoire pharmaceutique Innotech International, il a accepté l'arrangement. Le licenciement sans motif légal a eu lieu au printemps 1996. [...] Après son licenciement et celui des deux autres délégués, il savait pourtant que la vie syndicale au sein de l'entreprise allait changer. «Je n'avais pas d'illusion sur ce que ferait la direction ensuite : comme dans les autres entreprises, elle chercherait à monter un syndicat aux ordres ?[...].» L'ancien syndicaliste CFDT parle de cette opération comme d'une pratique aussi répandue que discrète. Faut-il le croire ? «Pour acheter le silence des plus récalcitrants, le départ négocié à des conditions attrayantes est un procédé aujourd'hui couramment utilisé, confirme Jacques Grinsnir, avocat spécialisé en droit social, placé en première ligne des conflits au sein des entreprises [...]. Les négociations sont généralement précédées par une phase de harcèlement intense. Une sorte de guerre d'usure, de préparation d'artillerie durant laquelle on cherche à briser le salarié. Pour se débarrasser des perturbateurs, on est passé d'une phase artisanale à une méthode qui est vendue clés en main par certains cabinets de conseil. Il existe même désormais des agences utilisant des «profilers» qui évaluent la victime avant que les DRH n'agissent. Profil psychologique, analyse des interventions en CE, etc.»

La pompe à fric de la formation

«Pour récupérer en partie l'argent de la formation professionnelle, on s'arrange avec ces centres formateurs qui surfacturent leurs prestations ou facturent carrément des formations fictives et l'on reverse ensuite discrètement aux syndicats une partie des bénéfices indus», nous explique un témoin direct. D'anciens responsables de centres de formation évoquent une pratique consistant à remplir des listes de stagiaires avec les noms de personnes qui ne sauront jamais qu'elles ont officiellement participé à ces formations. «Il arrive aussi qu'on alourdisse sur le papier le nombre d'heures de stage, de salles louées ou d'intervenants [...]. L'argent revient ainsi en partie dans les caisses syndicales ou sous la forme d'indemnités versées aux permanents qui sont censés avoir effectué les heures de formation.» Les contrôles, nui devraient être opérés par les directions départementales du travail et l'Urssaf, sont quasi inexistants. Le groupe national de contrôle de la formation professionnelle, qui dépend du ministère du Travail, avoue son puissance à examiner de près les affecations des fonds collectés par les organismes collecteurs. «Cela revient à contrôler les organisations professionnelles ou syndicales, d'où une dimension politique», déclarait avec embarras un responsable du groupe de contrôle devant une commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 1999. Huit ans plus tard, dans un rapport remis en 2007, la Cour des Comptes montrait plus d'assurance : «Rares sont les organisations professionnelles qui présentent de véritables justificatifs, même plus ou moins détaillés, correspondant à des services effectivement rendus.» [...]

Le budget annuel de la formation prud'homale pour la seule CGT correspondait, au tournant de l'année 2004, à environ 10 000 à 18 000 journées de formation à 200 euros la journée, soit une somme totale se situant entre 2 et 3,6 millions d'euros. Jean Claude Lam, qui appartenait à la fédération CGT de la métallurgie avant 1988, puis qui est devenu le directeur, entre 1988 et 2004, de Prudis-CGT, l'institut spécialisé de formation des conseillers prud'homaux salariés qui travaille avec la CGT, a bien voulu répondre à nos questions. [...]. «Plus de la moitié [des fonds versés aux syndicats pour la formation] est utilisée à d'autres fins, reconnaît-il [...]. En interne, l'argument de la CGT est que la formation juridique est moins prioritaire que la lutte pour les revendications.»

Des pubs compromettantes

La presse CGT a un penchant prononcé pour les publicités des assureurs Satec, Macif, Axa, MMA, Assurance Sport et Tourisme, pour les alcooliers Pernod-Ricard, Pastis 51 et le champagne Henri-Giraud, pour le fabricant de cigarettes Altadis, le fabricant d'armes Dassault, les opérateurs Orange et France Télécom, l'agence de tourisme Touristra, les Chèques Vacances, Trigano, les distributeurs d'énergie EDF, GDF, et pour les groupes multicartes, Suez et Veolia Environnement. On y voit une fidélité certaine à la SNCF, Air France et La Poste. On trouve aussi pêle-mêle Bombardier, Siemens et d'autres. On peut concevoir sans peine que certains de ces groupes élargissent leur clientèle grâce à ces publicités réveillant chez chaque lecteur un signal d'appel avec, à la clé, un acte d'achat. Il est plus difficile de croire que des groupes qui vendent des chars, des missiles à tête nucléaire, des centrales ou des incinérateurs espèrent vendre leurs produits aux lecteurs. On retrouve d'ailleurs ces publicités dans les publications de la CFTC, plus précisément dans la revue «le Métallo CFTC», l'organe de la Fédération de la Métallurgie. Espèrent-ils élargir leur marché auprès des cadres de ce syndicat ? [...]

Caisses de retraite à double fond

«Les financements des syndicats sur les fonds des caisses de retraite ne datent pas d'hier, nous explique un inspecteur des Affaires sociales. Ce qui est nouveau, c'est que certains songent à le dénoncer.» Certaines caisses de retraite sont en effet des sources de financement discrètes. Voilà encore un secret de famille, mais on peut difficilement dire qu'il est inconscient... En tout cas, plus depuis 1999. Cette année-là, les inspecteurs de l'Igas (Inspection générale des Affaires sociales) ont en effet mis les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur la Caisse de Retraite interprofessionnelle (CRI), l'une des plus grosses caisses de retraite complémentaire du régime des salariés (Arrco). Leur enquête, menée entre février et mai 1999, évoque «tout un système de financement direct ou indirect des syndicats». Selon les inspecteurs, le CRI aurait versé, entre 1995 et 1999, 34,3 millions de francs aux syndicats (soit plus de 1,5 million d'euros chaque année). Les inspecteurs ont révélé que la CFDT et la CGT se partageaient 80% de la somme, et que FO en recevait 15%. La CFTC et la CGC ramassaient les miettes. Les versements s'effectuaient en finançant des publicités dans la presse syndicale, en payant des permanents syndicaux comme «délégués extérieurs» ou en «convention d'assistance technique», et en remboursant des frais divers... Du côté de la caisse de retraite en question, on jure que «les choses ont été remises en ordre dans la maison». Mais on peut s'interroger. Le rapport de l'Igas avait amené Martine Aubry, alors ministre des Affaires sociales, à suspecter que ces pratiques pouvaient ne pas être l'exclusivité de la CRI et à penser qu'il faudrait examiner de près également les autres caisses. Pourtant, les ministres qui lui ont succédé semblent avoir décidé de ne plus déranger personne dans ce secteur...

Le magot des handicapés

Autre source d'opérations indélicates, les subventions accordées par l'Agefiph, le fonds d'aide national pour l'intégration professionnelle des personnes handicapées et leur maintien dans l'emploi. Géré par les partenaires sociaux, ce fonds est alimenté par les cotisations payées par toutes les entreprises qui ne respectent pas les quotas d'embauche de personnel handicapé. Pas moins de 400 millions d'euros sont ainsi collectés chaque année [...]. «Ce fonds accorde des subventions aux entreprises qui déclarent mener des actions en faveur de l'intégration des personnes handicapées», dit un syndicaliste cédétiste en insistant bien sur le mot «déclarent». Il précise : «Beaucoup d'entreprises déclarent tenir des séances pour sensibiliser leur personnel et réfléchir à des actions d'intégration, mais ne font rien du tout. Pour la forme, ils se réunissent une ou deux fois, quelques minutes, et prétendent qu'ils organisent des réunions de sensibilisation des employés ou ce genre de chose.» [...] Du côté de l'Agefiph, on se retranche derrière un argument élémentaire : «Les moyens de contrôler les actions menées dans les entreprises nous manquent, nous n'avons pas la possibilité de vérifier dans les entreprises si les séances se passent vraiment comme les entreprises le déclarent.» [...]

© Fayard «L'Argent noir des syndicats», par Roger Lenglet, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, Fayard, 300 p.

Modifié par Bandaa Bono
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Bandaa Bono : waouh !!!! J'ai - en gros - lu le premier des articles que tu as mis en ligne... je n'imaginais rien de tel ! Rendez-vous demain après lecture des autres mais dans tous les cas : merci !

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beurk koiquesselapleunicheuse

C'est n'importe quoi ces écrits de m...., rien qu'un tapis de diffamations ; un exemple le cas du salarié d'un journal cité par l'auteur

qui n'a jamais mis les pieds dans son entreprise et qui est compté dans les effectifs de la boite , oui c'est possible et légal si la

personne concernée est créditée en temps par l'organisation syndicale affiliée .

Quelle pompe à fric pour la formation , la formation syndicale est assurée par les OS et est souvent rémunérée par l'employeur

pour l'agent suivant une formation ( par exemple CHSCT ) .

L'argent va certes dans les caisses de l'OS pratiquant la formation , mais il n'y a pas d'enrichissement avéré , d'autant que les

formateurs sont payés .

Le fait avéré qu'ont oublié de préciser les auteurs de ce livre , c'est que les syndicats ainsi que leurs représentants qui reçoivent

des "cadeaux" et des aides , sont des syndicats ou des représentations syndicales montées de toutes pièces par le patron .

Pour terminer , le dernier cadeau " offert " à un de nos représentant syndical sur notre site , a été une proposition de sanction

( radiation) pour des faits dont il a été la victime co-latérale , il s'en est tiré grâce a un dossier argumenté et défendu par

une OS digne et responsable et une bonne mobilisation .

La mobilisation et représentativité syndicale est beaucoup trop faible , les dérives décrites dans ces ouvrages ne montrent

qu'une seule petite partie des rouages du syndicalisme , comparé au travail de tous les militants , les représentants , les élus

qui donnent plus que de leurs personnel chaque jour , et qui sont parfois à souvent "oubliés" des listes de notation en guise

de cadeau .

ATTENTION , il y a syndicat ET syndicat , c'est faire le jeu des patrons que d'entrer dans les considérations de ces livres de ch.... .

Modifié par zoreglube
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Une belle oeuvre de désinformation ..., mélangeant allègrement des appréciations diffamatoires sur ce qui est conventionnel, négocié, légalement écrit, avec quelques constatations de possibles dérives que personne ne soutient et que les juges poursuivent ...

Si les confédérations n'avaient qu'à défendre leurs adhérents, ce serait simple et sans doute les cottisations pourraient suffire...

Seulement voila... elles font bien autre chose pour l'interet commun des salariés et passent beaucoup de temps dans les ministères ou à négocier au nom de l'ensemble des salariés... Pourraient elles le faire sans que des moyens leur soient octroyés ?

Conventions collectives et accords, assurance chômage, sécu (maladie, vieillesse, famille), handicapés, formation professionnelle, négociation sociale (retraite, représentativité, dialogue social...), consultations gouvernementales sur l'ensemble de la législation sociale, conseils des Prud'hommes, logement, commissions diverses nationales, régionales, départementales, conseils économiques et sociaux ... sont bien des missions d'ordre général

Quand il faut gérer des centaines d'organismes, qui se colle le travail ?

Serait il normal que les cotisations des seuls adhérents soient utilisées pour ces missions d'ordre général concernant aussi bien ceux qui ne cotisent pas ? faut il limiter les avantages des CE pour les non syndiqués ... certains y ont pensé. Faut il instituer une cotisation obligatoire ?

Un exemple : la Loi prévoit qu' un maximum de 1,5% des contributions des entreprises pour la formation des salariés est consacré à la gestion des organismes paritaires collecteurs (temps consacré, frais divers, documentation, éudes) : est ce astronomique ?

Les auteurs de ces ouvrages racoleurs et bellicistes veulent ignorer le rôle institutionnel d'utilité sociale des organisations syndicales et participent à promouvoir le rêve ultra libéral d'une gestion purement technocratique et politique des questions sociales : la sécu sans les partenaires sociaux, c'est l'assurance privée ....

Je vois surtout dans ce bouquin et ses intentions les idées noires des antisyndicaux...

Je défends l'idée que les syndicats ont un rôle à jouer dans la régulation sociale du pays

Je défends l'idée qu'il faut leur en donner les moyens matériels et humains

Je revendique une gestion honnête et transparente et une traçabilité des fonds

Modifié par michael02
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